19.11.06

Samedi (It's friday I'm in love)

J'avais 7 ou 8 ans.
C'était un samedi et le soleil rentrait par la porte de la cuisine. Ca sentait le lard frit : Papy venait de prendre son petit déjeuner. C'était le jour du bain. C'était aussi le jour des courses chez Delhaize et de la barre Léo mangée au mess, passée l'allée bordée de chars.
C'était peut-être un jour de chance où Papy m'achèterait un livre chez Delhaize (Tistou les pouces verts, la Tulipe noire...).
C'était un samedi ensoleillé.
C'est celui-là ou un autre que Mamy m'a raconté qu'en Allemagne, une de ses voisines lui avait dit, à la manière d'une vérité irréfutable, que le samedi était un jour ensoleillé. Plus que tous les autres.

Du jour où Mamy m'a raconté cette anecdote, je l'ai remarqué, en effet : le samedi, le soleil brille souvent.

Des samedis à Tours, je n'ai de souvenirs qu'ensoleillés.
Des samedis immuables où, avant de s'abîmer dans l'ennui de l'après-midi d'une ville de province où, déjà, nous avions peu de goût pour le shopping, les matinées étaient lumineuses et pleines de promesses. Elles commençaient au marché où, même quand E. n'y travailla plus, nous avions notre panier débordant de légumes bio. Sur le chemin du retour, nous nous arrêtions au Livre où nous passions pas loin d'une heure et dont nous sortions rarement les mains vides.
C'était les jours de dèche, les jours fauchés, les jours de bonnes intentions ("bon, il va falloir tenir avec 200 francs jusqu'à la fin du mois") qu'elles étaient les plus remplies !!!

Au Livre on oubliait le temps et les soucis d'argent et ces jours-là, notre concession à l'économie était de déballer nos livres à l'appartement plutôt que sur une table en terrasse du Vieux Murier où, entre deux gorgées, on raillait la mauvaise humeur de Pépito...

Samedi, il fait beau à Ginza. Le soleil embellit la robe du Beaujolais Nouveau que le Printemps fait goûter sur le trottoir, devant l'arbre de Noël.
A l'ombre, je fouille dans le stand des bouquinistes. Et, à la caisse, alors que je réalise qu'il serait plus raisonnable d'acheter à manger plutôt que de payer pour des pages que je ne peux pas lire, me reviennent tous ces samedis ensoleillés où j'ai eu des livres en main et où, au moment où je tendais les billets, la mauvaise conscience ne faisait pas le poids contre le plaisir !


3 commentaires:

Anonyme a dit…

ah oui cet extraordinaire bonheur de dépenser son argent au Livre, de repartir avec des Blanchot, Bataille, Celan, Des-Forêts, Klossowski,... impression de détenir un immense savoir à chaque fois, de se sentir tellement meilleur... et puis le bonheur de rencontrer un auteur jusqu'à présent inconnu mais qui va nous suivre pendant des années...
et la terrasse du café, des cafés, avec Libé à lire.......

Gwen a dit…

Tiens, tiens, qui est nostalgique, hein ?!!!!

Anonyme a dit…

Je partage les mêmes sensations à l'achat de livres !
et quel plaisir de voir citer Louis-René Des Forêts par "E" !
(je me décide enfin à laisser un commentaire !)