31.12.06

L'image fantome


« Ce qui a déclenché l’écriture, c’était le regret de photos ratées en fait, de photos que je n’ai pas pu faire, de photos qui se sont révélées invisibles, fantomatiques et donc j’ai essayé d’écrire pour retrouver le sentiment que j’avais voulu donner avec ces photos. J’essaye de photographier les gens que j’aime bien ou de faire des photos quand je suis en voyage, un peu comme tout le monde, mais je suis plutôt mauvais technicien donc je rate beaucoup de photos, et j’ai essayé souvent, enfin par l’écriture, de rattraper ce que je n’avais pas réussi avec la photo. » Hervé Guibert


Elle m'a couru après.
Lui, il a pris la photo.
Il m'enviait mon Leica. Je lui enviais son Polaroïd.
Nous avons appuyé sur le déclencheur en même temps. On souriait tous les deux.

Pendant que l'image apparaissait, j'ai appris qu'elle allait partir en France le mois prochain.

Je n'étais pas sur la photo. Un ciel bleu entrecoupé de fils électriques. Un immeuble dans le ciel qu'aucun de nous n'a reconnu parmi ceux qui nous entouraient.

J'ai repris la pose.

Les contours tardaient à apparaître : le froid ralentit le développement.
Où ça ? A Paris.
Il voulait m'offrir ce cliché et en reprendre un autre pour eux.

J'ai posé une autre fois.
Combien de temps ? Sept jours. Et elle a compté jusqu'à sept en français.

La deuxième photo restait telle quelle pendant que les couleurs de la troisième montaient normalement.
Il était gêné que je reparte avec le cliché pâle.

Mais moi, ça me faisait plaisir d'être une image fantôme.

Pour 2007, je vous souhaite d'être humains, terriblement humains et sensibles aussi. Je vous souhaite de rire mais de pleurer aussi. Et de laisser une trace aussi jolie que possible dans la vie des autres.

30.12.06

Un quart de la Yamanote


Mes samedis ont, décidément, à voir avec la Yamanote. D'habitude : à bord du train, à bord de ma fatigue, j'absorbe le soleil de ces matins lumineux et chaque nom de gare me donne envie de descendre et aller explorer les rues avoisinantes.

Alors, aujourd'hui, je prends mon vélo et longe la voie. De loin, de près, au gré des impasses.

J'ai l'impression de passer de l'autre côté du décor, voir enfin ce que je ne peux pas apercevoir les autres jours.

Je me laisse dériver et fais la mise au point de mon regard sur des détails, rien que des détails.

Sugamo, Tabata, Nippori, Nishi-Nippori... En passant devant chaque gare, je parodie pour moi-même la voix de machine qui annonce l'arrêt sur le quai. Et je sais enfin l'envers de ces stations.

Pour une fois, j'arrive à Yanaka par le cimetière et découvre de nouvelles rues du quartier. Une petite foule s'y presse. C'est les congés de fin d'année, les enfants sont excités et les achats seront bientôt de dernière minute.

En passant de temple en temple, me fiant au seul hasard pour avancer, je réalise que, en effet, à force de faire le pitre en cours, je ne connais pas le pays de neige à 10000 km d'ici. Mais je connais Tokyo comme ma poche. C'est à dire que je sais d'avance ce que je vais y trouver et, pourtant, je peux encore être surprise par un détail inattendu ou oublié.

Quand je ne vivrai plus ces surprises, il sera temps de partir. Et je le ferai.

En attendant, pas encore lassée, je remplis le ventre de mon Lumix, presse la détente de mon Leica.

Je profite des palmiers qui sont comme des bouquets de fleurs dans le ciel d'un bleu sans fausse note.

Et, aujourd'hui, je décide d'inclure un être humain au paysage urbain ! C'est vrai quoi ! Cette ville compte une douzaine de millions d'habitants mais je la photographie toujours comme si elle était déserte...

Arrivée à Ameyoko, il est temps de rebrousser chemin : trop de monde et pas envie d'être parmi les autres. Pas envie du bruit des voix dans les hauts parleurs qui canalisent la foule tranquille. Pas envie des odeurs de poissons.

Alors je remonte à vélo et, plutôt que de rentrer par le même chemin, emprunte une route qui trace une parfaite diagonale jusqu'à chez moi. Le soleil est bas et aveuglant. J'ai, soudain, hâte d'être devant un thé fumant.

Au supermarché, je fais des petites provisions d'aliments blancs : tofu, yaourt, oeufs, farine. Les légumes et les fruits sont déjà à la maison.

Par hasard, la bande son du jour est un ancien album de Keren Ann. "Faire cent mètres au paradis et revenir ici, chaque jour est le même et ne se ressemble pas. Je cours après les taxis, je cours après ma vie. Si un roi me fait reine, je ne vivrai plus tout ça."

La grande évasion

A ceux qui veulent se coucher tôt ou, du moins, pas trop tard... Je déconseillerais fortement de commencer à regarder Prison break !!! Ou alors il faut être doté d'une volonté à toute épreuve (que je n'ai pas)...
Enfin moi, j'ai appris une chose que je cherchais à savoir depuis longtemps. Comme quoi, passer des heures devant une série américaine n'est pas aussi inutile que ça en a l'air !!!
En effet, les étudiants ingénieurs que j'ai croisés jusqu'à présent ont tous été incapables de m'expliquer la finalité de leurs études. De même, les profs de maths de ma scolarité n'ont jamais justifié de manière concrète l'utilité de leurs cours.
Maintenant je sais !!!
Les maths permettent de percer un mur à l'aide d'un batteur à oeufs. Et c'est vrai que ça peut être bien utile. Enfin, des études scientifiques ne suffisent pas pour préparer une évasion. Il faut aussi avoir lu Comment faire disparaître la terre d'Emmanuelle Pireyre, ce qui est manifestement le cas de Michael Scofield. Ce qui rajoute une qualité à ce garçon qui n'a pas que ses yeux clairs comme atout dans la vie !

Me coucher tard -"ou tôt c'est comme on l'entend"- m'a permis aussi de vérifier que mon voisin d'en face éteint son néon toutes les nuits à 4H30 (ou alors seulement les nuits où je reste éveillée pour le voir !). Et que le soleil fait la grasse matinée en hiver et, du coup, je n'ai pas assisté à son lever.

En revanche, pas d'indice, dans Prison break pour savoir quel pays de neige se trouve à 10000 km et deviner d'où écrit l'anonyme de vendredi... A la lecture de son commentaire, je me rappelle qu'en cours de maths, je faisais le lapin Duracel avec ma copine Nadine et que, en géo, on dessinait des nappes à carreaux, des tasses et des soucoupes et on faisait semblant de boire le thé...
Résultat : je n'ai pas la moindre notion des chiffres et je ne sais même pas dans quel sens regarder pour trouver un pays de neige au départ du Japon... Petite vision du monde, je le sais.

29.12.06

Le jour du poisson


C'est souvent le vendredi que je vais manger un tayaki à Sugamo.
Aujourd'hui est un vendredi sans lendemain et c'est fou comme ça fait du bien !!!

28.12.06

Les accords de Kyoto

Mais pourquoi Noé a-t-il sauvé les cafards ? C'est ce que je me demandais hier, en rentrant sous le déluge qui noyait la ville depuis le matin.

Je me demandais aussi, tout en évitant d'être encore plus trempée par les éclaboussures provoquées par les voitures, si les taxis qui dorment sans éteindre leur moteur pour profiter de la clim' en été et du chauffage en hiver sont responsables du réchauffement de la planète dont certains disent qu'il détraque le climat.

Quoi qu'il en soit, nous avons essuyé un vrai typhon hier. Un typhon hors saison.

Mais l'avantage des typhons, c'est que, le lendemain, le ciel est propre. Lavé par le vent qui m'oblige à descendre de vélo.

Et décoré de jolis nuages.

Aujourd'hui, 20° et les salary men ont enfin une raison de sortir déjeuner en manches de chemise !

Moi, je pique-nique de deux onigiris au soleil après avoir traversé le quartier des love hotels d'Ikebukuro. Mais comment font les couples pour choisir entre les façades de ces royaumes du kitsh ? Ou bien rentrent-ils dans le premier croisé ? Et y-a-t-il tant de monde qui les fréquente pour qu'il y en ait autant ???

Je leur préfère le design sûr et sobre du château d'eau.

Mais c'est vrai qu'il n'est pas destiné au même usage !!!

26.12.06

Tuesday self portrait


Ceux qui sont à Tokyo aujourd'hui savent que cet autoportrait est celui d'un autre mardi !
Pas de soleil et 100% de pluie.

25.12.06

Les lundis de Mitakadai

Il y a des rendez-vous qu'on honore plus volontiers que d'autres.
Ainsi, moi, une fois par mois, je longe le petit cours d'eau tranquille de Kichijôji à Mitakadai.

Pressée à l'aller pour être (à peu près) à l'heure. Flâneuse au retour.

Au cimetière, je salue les tombes.
Aux miroirs, je demande qui est la plus belle.

Longeant les cours de tennis, j'écoute le rebond des balles.

J'observe les jeux des enfants sages à l'heure de la récréation.

J'ai des sensations de campagne, si près si loin de Tokyo.

Et puis, parfois, je rejoins Madame Gâ à Shimokitazawa pour un lunch.

Mais Madame Gâ est partie passer les fêtes en France et E. a volontiers quitté le banc des remplaçants pour manger des spaghettis au kabocha avec moi !

Il y a des rendez-vous qu'on honore moins volontiers que d'autres.
Ainsi moi, plusieurs fois par mois, je vais chez le dentiste rue Gambetta.
Comme c'était Noël aujourd'hui, c'est aux chants de circonstance (toujours version ascenseur, ça ne varie pas !) qu'on a eu droit.
Et comme c'était l'après-midi, c'est un feuilleton qui était diffusé à la télé. Un feuilleton qui se passait, en partie, dans le cabinet d'un dentiste... Une belle mise en abyme !!!
Moi, n'étant pas rentrée chez moi depuis le lunch, je n'avais pas lavé mes dents avant de venir. Mais, tout de même, j'ai été surprise que l'assistante chargée du nettoyage me dise qu'elle allait "faire le ménage" dans ma bouche... J'ai trouvé ça un peu exagéré !
De retour dans la salle d'attente, j'ai feuilleté une revue, attirée par Jude Law en couverture et j'ai vu des photos de l'acteur que je venais de voir dans le feuilleton. Le monde est si petit !

Remontant la Waseda dori à pied vers le Cotton club café, j'avais, dans mon téléphone, la voix des enfants qui, en France, venaient d'ouvrir leurs cadeaux et me souhaitaient un joyeux Noël.

Mais oui, il était joyeux, ce Noël au kabocha ! Et l'heure passée la bouche ouverte ne m'a pas empêchée, plus tard, de profiter du fromage, du pain, du vin qui ont mis un air de fête sur la table.

24.12.06

Le, la, les


Au Japon, comme le 25 décembre n'a aucune raison d'être férié, on peut s'accorder sur la date du 24 quand celui-ci tombe un dimanche, pour fêter Noël.
Et moi, pour ça, je suis allée à Yokohama, à un colloque sur l'emploi des articles définis, un aspect difficile de la langue française.
Parmi les exemples que les membres de cette réunion ont choisis afin d'illustrer l'article à paraître :
-LA machine d'Ikea dans laquelle il faut introduire la monnaie avant de pouvoir faire son choix.
-LE village dans lequel le gendarme qui connaissait tout le monde a été remplacé par une gendarmette sans pitié qui ne connait personne et n'hésite pas à verbaliser.
-LA planche qu'il suffit d'acheter afin de pouvoir aller à la mer en voiture.

Pendant la pause, on a tout de même eu droit à du champagne, à une délicieuse choucroute au poisson mais aussi à un cours d'initiation aux pilates et à pas mal de fous rires.

Je suis bien consciente que ce billet n'est pas compréhensible par plus de 5 personnes au monde !
Aussi, je prie les autres lecteurs de m'en excuser et à chacun je souhaite LE très très joyeux Noël !!!

22.12.06

La substantifique moelle du Japon


Acheter un thé au petit camion Wolskwagen et s'y réchauffer les mains, c'est très japonais.
Faire ses courses à 23H ou à n'importe quelle heure de la nuit, c'est très japonais.
S'attarder, à minuit passé, une demi-heure durant, dans les rayons de la librairie qui reste ouverte jusqu'à 1H du matin, c'est très japonais.

Et acheter un pot de 405 grammes de yaourt, ça, c'est complètement japonais !!!

Differents trains

Il y a quelques heures par jour pendant lesquelles les trains sont moins peuplés.
Alors, chacun des voyageurs peut y avoir son indivualité, sa place assise ou faire le choix de rester debout.
Aucun d'entre eux n'est obligé de mêler son intimité aux autres.
Alors que le matin, le soir, les conversations se mêlent, les pieds se marchent dessus, les têtes dodelinantes des dormeurs se penchent vers les épaules de leurs voisins.

C'est lors de ces heures plus tranquilles, lorsque la vue par la fenêtre est dégagée des corps qui, à d'autres moments, se tassent dans l'allée. C'est lorsque mon train en croise, en dépasse d'autres. C'est lors de ces heures, donc, quand je vois ces gens plongés dans leur vie -comme moi dans la mienne- que je me rends compte à quel point la ville est peuplée.
Et les trains jamais complètement vides.

Parmi ces gens qu'on voit passer dans les trains d'en face, certains d'entre eux, le regard vague, le regard flou et abandonné, appuient leur main sur la vitre de la porte. Comme un signe d'adieu permanent au monde qui défile devant eux.

21.12.06

Une visite s'impose

Ici, une visite en photos et sons du Japon et plus particulièrement de Tokyo.
Et , un joli blog de vacances au Japon assorti d'un blog de cuisine aux photos alléchantes (enfin, après l'épisode des sablés, je ne me fais plus avoir, moi !!! Et je me souviendrai que je n'aime pas les choux à la crème, avant de vouloir me lancer dans la réalisation de ceux-là !!!)

Merci à Kriss et à Madame Gâ pour ces beaux liens...

20.12.06

Ce sont nos erreurs que nous appelons expériences (mon oeil !!!)

Plus le temps passe plus je m'aperçois que ce que je préfère, dans la cuisine, c'est le temps de cuisson !
Les recettes salées que j'aimais faire, en France, c'était les plats mijotés qui me permettaient, après avoir tout fourré dans ma casserole en fonte, de rejoindre Médor, ma théière et mon bouquin sur le canapé pour deux ou trois heures de tranquillité absolue.
C'est pour la même raison que j'aime faire des gâteaux un peu rustiques, sans glaçage ni rien de sophistiqué : d'abord, c'est ceux que je préfère manger (parce que je suis une grande fille toute simple) et, en plus, ce sont ceux qui sont les plus rapides à réaliser.

Tout ça, je le sais. Je commence à bien me connaître, après 36 ans passés en ma compagnie.

Alors pourquoi, mais pourquoi, suis-je encore capable de me laisser influencer par les jolies idées des autres ?
Et pourquoi est-ce que je demande à Madame Gâ sa recette de sablés ???

Je me suis posé cette question au moment où, ouvrant mon sachet de farine -un peu brusquement il est vrai- j'en ai répandu un bon tiers sur le sol et que, avant de me mettre à cuisiner, j'ai dû passer l'aspirateur.
J'ai continué à y réfléchir quand, après y avoir versé tous les ingrédients de la recette dont j'avais doublé les proportions, j'ai vu de la fumée sortir du ventre de Nono, mon petit robot, qui n'est pas fait pour pétrir 500g de farine.
En échouant une fois sur deux au découpage à l'emporte pièce de la pâte un peu trop molle, en découvrant que cette pâte, même crue, est très bonne... J'ai encore eu le temps d'y penser.
A la troisième fournée (en 20 minutes de cuisson, j'ai à peine le temps de découper les suivants mais -heureusement aussi- d'écouter les podcasts de l'esprit public), ayant royalement ignoré les lois de la physique et ayant passé outre le fait que la plaque tournante du four entrainerait le papier sulfu et balancerait par-dessus bord tous les sablés un peu trop près du vide... J'ai ramassé les cadavres tordus, les ai mis sur une assiette promise à mon propre usage (comme si j'avais besoin de ça après tout le lemon curd que j'ai mangé !). J'ai remis au frigo le reste de pâte en me disant que j'avais assez fait d'âneries pour aujourd'hui, que tout cela méritait d'être remis au lendemain. Et que, après demain, on ne m'y reprendrait plus : je ne ferai plus JAMAIS de sablés !!!!

Je sais, il ne faut jamais dire fontaine, etc.

Mais bon, en attendant, à défaut de me pelotonner sur un canapé avec Médor, maintenant que j'ai éteint le four et que l'eau est chaude, je vais pouvoir me blottir sous un plaid et regarder "Come home" , une revue qui donne furieusement envie de tout arrêter, d'être tranquille chez soi avec un bol de thé pendant que se répand une bonne odeur de... sablés qui cuisent !!!!

19.12.06

Tuesday self portrait

Oui mais, aujourd'hui, je suis tombée dans un tunnel, pendant 9 heures, sans même un lapin blanc, sans même un interrupteur... Pas de lumière, pas de photo mais ces mots :

"Le temps s'étire et se resserre. Quand il s'étire à la manière d'un élastique, il vous emprisonne à jamais dans son étreinte. Et il ne vous lâche pas si facilement. Parfois il vous abandonne dans des ténèbres où vous ne faites que tourner en rond, et vous avez beau vous arrêter et fermer les yeux, pas une seconde ne s'écoule."
Banana Yoshimoto. Dur, dur.

17.12.06

Un thé chez la reine


Lorsque je suis arrivée, Madame Gâ fouettait une crème jaune dans un bol au bain marie, penchée sur sa casserole comme une jolie sorcière sur son chaudron. Et quand, alors que je l'interrogeais sur le contenu du bol, elle m'a répondu "c'est ton lemon curd", je me suis dit qu'elle était, en fait, ma bonne fée !!!
Je suis repartie avec deux pots de ce délice. "Deux, c'est pas trop, tu crois ?". A cela Madame Gâ m'a dit que, si je faisais comme elle (tomber dans le pot), je pourrais même ne pas en avoir assez !
J'imagine bien ses pieds, juste ses pieds -chaussés de ses ballerines à brides- dépasser d'un pot de lemon curd !
J'ai pris une photo avant d'y plonger à mon tour.
Et je sais que deux pots, ça n'est pas trop !!!!

On peut dire ce qu'on veut des Anglais mais il faut leur savoir gré d'avoir inventé les short breads, le lemon curd, les muffins, les scones, les sandwichs au concombre...
Moi, si j'étais la reine d'Angleterre, c'est simple, il y a longtemps que je serais obèse !!!

Shibuya-Otsuka

Je suis d'abord passée à 19H30.
Elle portait une mini-jupe. Des bottes et des hautes chaussettes presque de la même hauteur. Un peu comme un millier de filles à Tokyo.
Elle mangeait un kebab' devant le camion et parlait avec le cuistot.

Je suis à nouveau passée à minuit 20.
Elle était encore là. Ou sa soeur. Kebab' dans la main. Mini-jupe. Bottes. Hautes chaussettes. Comme un millier de filles à Tokyo. Je n'ai pas fait la différence.
Alors, en la voyant, j'ai pensé aux faux clients, complices des harrangueurs du marché... Et à l'indigestion qu'elle risquait d'avoir.

A Shibuya, il faisait bon comme au printemps.
Et tout le monde portait un bonnet, comme au printemps.

Sur le quai, Morrissey chantait "every day is like a sunday". Et, de toute façon, c'était déjà dimanche.

Dans le train, un garçon se triturait le visage. Je me suis demandée s'il allait l'enlever, comme dans Mission Impossible. Et si, en dessous, apparaitrait le visage de Tom Cruise.
Un autre portait un blouson Hysteric Glamour, moi qui pensais que c'était une marque pour les filles. Mais les genres, au Japon, ça n'existe pas vraiment.

Pendant qu'on attendait que le train parte, je regardais ceux qui ouvraient et fermaient leur portable d'un seul geste, d'une seule main. Et je les ai imaginés s'entrainer dans leur chambre, devant un miroir, pour parvenir à ce geste si maîtrisé et, en même temps, si désinvolte.

Ma voisine a mis la tête dans ses bras et, avant qu'on parte, elle dormait déjà.

Je n'ai pas vérifié si elle faisait partie de ceux qui n'entendaient pas que le train n'allait pas plus loin qu'Ikebukuro.

Sur le chemin du retour, j'aurais pu :

-me mettre dans la file de tous ceux qui voulaient prendre le taxi pour terminer le voyage.
-tenir la tête de ceux qui étaient en train de vomir -leur kebab' peut-être.
-aller pousser la chansonnette dans un karaoké.
-m'allonger sur les marches, dans la gare, en compagnie des sans-abris.
-me glisser dans ces groupes d'amis chahuteurs et titubants, un peu.
-m'arrêter à un des multiples combinis du parcours.
-acheter une boisson à un distributeur.
-m'asseoir sur le trottoir et ouvrir mon pot de lemon curd, le manger avec le short bread et le sablé à la cannelle, cadeaux du jour (merci, merci, c'est tellement bon !).
-acheter un livre dans la librairie ouverte toute la nuit et aller le regarder au Royal Host qui ne ferme pas davantage.
...

Mais je suis rentrée et j'ai allumé l'ordinateur.

15.12.06

Bourail


Je suscite souvent l'intérêt de mes interlocuteurs lorsque je dis que je suis née en Nouvelle Calédonie.
Puis, aussi rapidement, leur désintérêt lorsqu'ils apprennent que je n'y ai passé que les trois premiers mois de ma vie !
Pour moi, Bourail est le nom d'une commune peu prompte à envoyer les actes de naissance ou les extraits de casier judiciaire qu'on lui réclame.
Le nom d'une commune qui m'a valu l'absurde aventure de devoir prouver ma nationalité française au dernier renouvellement de ma carte d'identité.
Depuis que je suis au Japon, j'engrange les récits des vacances passées en Nouvelle Calédonie. Je fais une brochette des jolis souvenirs qu'on me raconte.
Et puis... Et puis une image envoyée dans ma boîte aux lettres.
Je savais, jusqu'à présent, que j'étais née dans un dispensaire où couraient quelques cafards.
Je sais, à présent, que, à quelques kilomètres de ce dispensaire, il y a cette plage-là.

13.12.06

Le fabuleux destin d'Aurélie

Faire des études de coiffure permet d'entendre des choses édifiantes :
"Si tu téléphones au salon pour me parler, demande Jessica. C'est mon patron qui a choisi parce qu'il a une tante qui s'appelle Marthe et il ne l'aime pas trop".
"Il y avait déjà une Nathalie dans le salon alors on m'a demandé de changer de prénom et j'ai choisi de m'appeler Manon, comme ma fille".
"Je m'appelle Valérie mais tu peux dire Jessie".

Ici, je m'étonne vraiment de la recrudescence de certains prénoms dans ma vie depuis quelques mois... Est-ce vraiment naturel de faire la connaissance d'autant de Laurent en si peu de temps ???!!!
De même, la seule Aurélie que j'avais connue jusque là avait un sourire immuable et était, de loin, ma poupée préférée. Et voilà qu'ici, j'en rencontre trois...

Si c'était des prénoms plus faciles à prononcer, je pourrais croire qu'il n'y a pas que les coiffeuses qui en changent ! Mais vu ce que ça donne dans la bouche de nos hôtes Japonais, cette version n'est pas plausible.
Faudrait-il croire que les personnes portant le même prénom ont des particularités communes, au point d'avoir un destin tracé droit qui les enverrait forcément dans un même coin du monde ??? Et dans le but de me rencontrer, moi ?!!!!!

En fait, c'est plus son boulot que son destin qui a fait faire douze heures d'avion à Aurélie, endurer le décalage horaire et la phobie des tremblements de terre... Mais, quoi qu'il en soit, j'étais bien contente, moi, de passer cette soirée avec elle. De faire davantage connaissance. D'échanger nos regards sur la drôle de vie japonaise. Et, même, de continuer à discuter sur le trottoir, à Shibuya, à l'heure où les rats font les poubelles...

12.12.06

Tuesday self portrait


On n'a pas encore écrit les paroles, on n'a pas encore la musique en tête, on ne sait pas encore comment le groupe s'appellera ni qui de nous deux chantera...
Mais, au moins, on a déjà la pochette du disque...

11.12.06

Comme un lundi

ça m'a toujours horripilée, cette réponse à la question "ça va ?" au retour d'un week end...

Et puis, qu'est-ce que ça veut dire, d'abord ?

Aujourd'hui, c'est lundi et je vais bien, merci !

Comment ça pourrait aller mal dans ce café aussi confortable qu'un salon

où, dans le bol, il y a du macha...

10.12.06

A l'ombre des ginkos

Le dimanche offre de belles perspectives.

Des rues désertes en cadeau à l'inlassable cycliste.

A Yasukuni, les assiettes sont fumantes.

Et les places sont libres après le départ des nationalistes en treillis.

Il rit aux éclats lorsque je le remercie pour l'air d'harmonica qu'il vient de jouer et me demande pardon parce qu'il est ivre.
Il s'invite à la table de garçons qui ont, tous les quatre, le regard flou et doux de ceux qui n'ont pas beaucoup dormi.



Les heures tranquilles du cimetière d'Aoyama me rappellent toutes celles passées dans tous les autres cimetières.

Car, plus que les musées, ce sont les tombes auxquelles j'aime rendre visite dans les endroits du monde que je traverse.

Les photos dorment avec les livres, dans le grenier français. Mais, même sans elles, je me souviens des allées de stèles anglaises, irlandaises, allemandes...

Et de Montparnasse, de Montmartre.

Et du Père Lachaise, bien sûr.

Les rumeurs de la ville parviennent amorties.

Je sais, pour l'avoir traversée, que la foule se presse,

dense et armée d'appareils photos,

dans les allées où le vent secoue les branches des ginkos,

provoquant une pluie de feuilles.

Et cette pluie est d'or.