31.3.07

In love, again

J'arrive chez lui sans l'avoir prévenu. Je vois bien qu'il ne m'attend pas, qu'il est occupé à autre chose, que je le dérange, même.
Mais il sourit, il me sourit en me débarrassant de mon écharpe.
J'ai juste dit bonjour mais il s'inquiète de ma voix disparue, me propose quelque chose de chaud.
Il me dit de l'attendre un instant. Je vois bien qu'il n'est plus entièrement à ce qu'il faisait, qu'il pense à moi, qu'il me jette un coup d'oeil, de temps en temps.
La preuve : en trois minutes, il est là.
J'aime sa manière d'être avec moi : même s'il n'a que peu de temps à me consacrer -comme aujourd'hui- il est tout à moi.
Il ne me quitte pas des yeux, ne regarde que moi. J'aime ses yeux bruns et doux. Je ne l'imagine pas se mettre en colère.
Il me comprend toujours à demi-mot, sait se taire quand j'ai envie de silence, me pose des questions quand il sent que j'ai envie de parler.
J'aime sa manière de s'habiller, de bouger.
J'aime quand il est tout contre moi, que ses mains, précises, techniques, se posent sur moi.
Je m'abandonnerais bien volontiers toute entière et pour longtemps. Et, en même temps, j'apprécie que nos entrevues soient brèves et plus intenses.
Il me demande si ça ne fait pas mal quand il enfonce son pouce à la base de ma nuque, quand il maintient ma tête en étau, quand il frappe mon épaule. Non. Et j'aimerais qu'il le fasse encore. Et encore. Et encore.
Il sourit quand je lui dis "c'est parfait". C'est drôle, le soulagement que je lis toujours dans ses yeux à cet instant-là. Aurait-il peur de me décevoir ? J'ai l'impression qu'il n'en est pas capable.
Je le quitte à regret, me retourne pour lui dire au revoir, dans son escalier. Mais je sais que je le reverrai bientôt qu'il aura toujours un moment à me consacrer, qu'il me sera fidèle. Et sa voix "kiotsukete" m'accompagne longtemps.

Je suis amoureuse de mon coiffeur ! Mais pas de lui seulement : de toute son équipe dont le ballet discret et efficace permet cette coupe parfaite en vingt minutes, ce massage bienfaisant dont je ne le remercie jamais assez, ce shampooing à la Out of Africa (j'ai les cheveux un peu moins longs que Meryl Streep, il est un peu moins blond que Robert Redford mais...).
Je voudrais me marier avec la Watanabe team en son entier... Mais je ne sais pas si ça va être possible...

30.3.07

Jeeeeeves !

Plus jeune, j'ai beaucoup lu les romans de P.G Wodehouse. J'aimais leur ambiance so british : les cours de tennis, le thé à cinq heures avec une tante encombrante, les baronnets inconséquents qui, en trois paroles excessives, se retrouvaient fiancés contre leur gré et devaient, régulièrement, soigner les effets malheureux d'une gueule de bois.
Jamais ces garçons ne s'en seraient sortis tout seuls ! Heureusement, dans les coulisses, Jeeves veillait. Dans sa livrée rayée et ses gants immaculés, ce majordome savait ranger les raquettes, servir le thé impeccablement, défaire un engagement avant l'achat de la bague et, surtout, surtout... Il servait SON cocktail magique et réparateur à base d'oeuf les lendemains d'excès.
Quoi qu'il arrive, Jeeves était là...

A 8H17, près de la porte -mais pas du bon côté- dans la Yamanote, j'ai su que j'avais fait le mauvais choix. Et que, malgré ce que je persiste à croire, ce n'est pas moi qui commande. Ce corps en location a toujours le dernier mot.
Aussi, reconnaissant les symptômes -transpiration, tête qui tourne, difficultés à respirer, brique dans le ventre qui hésite à y rester- j'ai utilisé ma dernière énergie à traverser la foule compacte du train pour atteindre le quai de Harajuku avant de succomber au malaise.

A cette heure-là, les trains s'arrêtent toutes les deux minutes et ils sont tous aussi bondés que celui dont j'étais descendue. Les voix -masculine : "mamonaku, ichibansen ni...", féminine :" nibansen ni, abunaidesu kara..."- se répondent à l'infini, dans un écho permanent.

Je n'avais qu'une envie : me rouler en boule sur le sol -dans le sol. Oublier mon ventre, ma tête, m'oublier... Dormir.
Dormir, c'est ce que je ferais, par la suite, toute la journée. Et là, assise sur le quai, j'ai commencé cette drôle de nuit en plein jour.

Sa main gantée m'a réveillée. J'ai vu sa livrée impeccable. Son sourire inquiet et bienveillant. Il me proposait d'aller dormir dans son bureau. L'espace d'un instant, j'ai eu envie de lui dire : "Jeeves, soyez gentil, allez me préparer votre cocktail à l'oeuf". Au lieu de ça, je suis rentrée chez moi, me coucher.

28.3.07

Le secret du bonheur

Un jour d'hiver ensoleillé où nous nous étions retrouvés à Shimokitazawa pour un lunch, Monsieur Be nous expliqua, à Madame Gâ et moi, le principe des microcapteurs.

Ils sont nichés au creux de nos coudes et, lorsqu'ils sont atteints par le soleil, ils produisent du bonheur.

Ce midi là, nous étions, tous les trois, assez heureux pour qu'il ne soit pas nécessaire de virer nos manteaux et nos pulls afin de tendre nos coudes vers l'astre bienfaisant.

Mais, aujourd'hui, en tee-shirt sous les fleurs de l'Edogawa, je repensais à ça. Etait-ce parce que cette toute petite partie de moi prenait le soleil que j'étais si heureuse ?

Comme ce sentiment a duré jusqu'à la nuit, il s'agit plutôt d'une parfaite alchimie à laquelle lampions et feuilles tendres ne sont pas étrangers...
(Voir dépasser une épaisse enveloppe marron de sa boîte aux lettres peut rendre heureux aussi... Mais quand tout le contenu de l'enveloppe est écrit en japonais... Ah oui ? Bon ben... Merci !)

27.3.07

Tuesday self portrait (tendance floue)


Une nouvelle radio aujourd'hui. Idéale -je crois- pour changer le message de son répondeur. Danser devant son buffet. Manger des mochis. Changer l'eau des fleurs. Se planter devant son placard et dire "je n'ai rien à me mettre" dix minutes avant de sortir. Tremper dans le thé des langues de chat. Décacheter une enveloppe sans trembler. Se décolorer les cheveux. Enclencher une nouvelle pellicule photo dans son appareil. Décider de ne pas dormir ou alors pas tout de suite, pas encore. Coller un timbre sur une carte. Enfiler des chaussures pour aller frapper à la porte voisine, dans le couloir. Penser au dessert du jeudi soir, à la nappe à carreaux du dimanche. Tester un nouveau fard à paupières. Fumer une cigarette à la fenêtre. Rester dans son lit toute une matinée. Lire le dossier Maigrir de Biba en mangeant. Nettoyer le miroir de la salle de bain...
Vous saurez inventer le reste, j'en suis sûre... (et me le raconter...)
(hum... Je croyais que c'était évident pour tout le monde mais... Pour écouter la radio, bien sûr, il suffit de cliquer sur Radio moshi moshi, dans la colonne de gauche !!!)

26.3.07

Les bonnes raisons de me lever (aujourd'hui et les autres jours)


-Le soleil m'attend sur le balcon pour le petit déjeuner.

-20°, c'est une température idéale pour assortir un décolleté à mon rouge à lèvres.

-Une voix me bouleverse. Un pan de ciel bleu m'émeut. Un arbre fleuri fait poindre mes larmes.
Non, décidément, mes sensations ne sont pas au placard, mes sentiments ne sont pas au bois dormant.

-Les sakuras jouent à "plus qu'hier moins que demain".

-Le facteur passe à l'heure du thé. M'apportera-t-il du papier à tremper dans l'Earl Grey ? (Aujourd'hui, tiens, surprise : l'esquif pourtant fragile a fait vite pour traverser les mers -et une vision de moi que je ne renie pas)

-Javier Marias s'est décidé à écrire le deuxième tome de sa trilogie Ton visage demain. Chaque jour passé réduit l'attente jusqu'en avril.

-Encore une rue, un quartier, un cimetière inconnus à découvrir, un banc pour quelques minutes à écrire. Tant d'images à composer, tant de regards à croiser.

-La lecture des Falsificateurs d'Antoine Bello, à peine entamée, que j'aimerais poursuivre.

-Poivrons jaunes, verts, tomates... Nos assiettes du soir ont une couleur d'été.

-Une surprise ou une autre, il y en a toujours... Et aujourd'hui, c'est la baguette magique d'Aëlle qui, une fois de plus, oeuvre en mon absence pour donner à ces lieux un air de printemps et de vie en rose conforme à mon actuel quotidien... Je ne sais pas ce que vous en pensez mais moi, j'aime beaucoup ces fleurs et nuages riches de promesses...

25.3.07

La vie sans vie


Certains restaurants présentent votre repas vivant sur le seuil de leur porte.
Je n'y aurais pas touché, à ces poissons aux yeux vides avant la mort. J'aurais moins redouté le poison foudroyant d'un fugu maladroitement préparé que celui qu'ils auraient peut-être distillé dans mes veines.
Un poison autrement plus cruel et lent. Le même que recèlent les dimanches couleur Toussaint, les jours éteints et longs où chaque heure ressemble à la précédente, fait croire que vivre la suivante n'en vaut pas la peine.
C'était un ennui vénéneux qui émanait de cet aquarium et il aurait pu être contagieux.
L'ennui d'une vie sous les néons, d'une vie insipide et blafarde et à tourner en rond.

Parfois, il vaut mieux se prétendre végétarienne. Ou s'improviser grande amatrice de hamburgers.

24.3.07

(Re)tomber en enfance

Il faudrait rejouer la scène que j'en serais bien incapable. Combien de trottoirs je fais grimper à mon vélo dans une journée Tokyoïte ? Et, tout à coup, en voilà un que je ne parviens pas à franchir.

Il n'y a pas qu'une bouchée de madeleine, une musique entendue sans préavis, le parfum d'une dame à qui on tient la porte... qui font revenir les souvenirs, les sensations, parfaitement exacts et en masse.

Quand je me suis relevée, j'ai vu, imprimée à l'intérieur de ma main gauche, la fraction du trottoir que je n'avais pas réussi à éviter. Et, sous l'accroc de mon jean, j'ai deviné que mon genou avait la même apparence que lorsque, enfant, je collectionnais les chutes en patins à roulettes.

Voilà. C'était exactement ça, c'était exactement pareil : la douleur pas si vive, un picotement, plutôt. Mais la surprise qui fait monter les larmes aux yeux. Et, très vite, ce besoin immense de consolation. Qui fait qu'on se force un peu à pleurer, qu'on fait durer l'instant où des mains aimantes nous saisissent, nous soignent, nous cajolent. Ce moment où on ne se souvient déjà plus de la chute mais où on aime la douceur qui nous entoure, les mots qui nous rassurent.

Mais, sur ce trottoir à Tokyo, personne n'a couru acheter pour moi un pansement au combini le plus proche. J'étais seule. Et puis, j'ai 36 ans. Alors, je n'ai pas pleuré.

23.3.07

Toute une vie au soleil

Le soleil s'est levé dans mon lit et j'ai eu envie de ne pas le quitter tout au long de sa course.
Le petit déjeuner se prend sur le balcon. Le thé est ambré, le tofu à la fraise.

Sur les bords de l'Edogawa, les lampions encouragent les pas de danse improvisés.

La vie est légère quand elle est fleurie. La vie est jolie quand on la voit du bord de la piscine.

Avec Mélanie, nous jouons aux narratrices omniscientes. Il nous faut bien ces heures longues et lentes pour dérouler nos récits. Tant de surprises, tant de péripéties...

Au café, le thé est au citron. Une drôle de voix pour compagnie.

Dans le ciel, un clin d'oeil de la lune. La nuit aussi est pleine de promesses.

22.3.07

Entre les lignes

Dans les rues de Tokyo, à la nuit tombante, ils allument une lanterne sur laquelle se dessine une main.
Pour 1000 yens, vous pouvez abandonner la vôtre dans la leur et écouter la lecture qu'ils en font.
J'ai entendu dire que, dès notre naissance, les lignes de nos mains tracent notre destin mais que leur dessin se modifie au fur et à mesure de notre vie, en fonction des aptitudes qu'on développe -ou pas.
Que disaient mes mains de petite fille ?
Certainement que j'aurais un indéniable talent dans le domaine de la paresse. Et, peut-être, aurait-on pu y deviner que je saurais former quelques phrases, tenir un stylo...
Ce qui est évident, c'est que même le plus incompétent des lecteurs de cette sorte de lignes aurait su, dès ce moment-là, que, à part pour colorier les cheveux, je ne saurais jamais rien faire d'un pinceau. Et que les couleurs, les formes, les belles images qui sommeillent dans ma tête, je serais toujours incapable de les animer autrement que grâce aux mots.
Parfois, il me pèse d'être sans talent.
J'aimerais tant.

Alors je vais à Ikebukuro et prends ma revanche sur mon destin.

Avec mon simple appareil photo, j'invente des toiles conceptuelles.

L'espace d'un instant, je peux me croire artiste avant de retrouver ma condition de simple paresseuse.

21.3.07

Par surprise

L'avenue jusqu'au Tokyo Dome était presque déserte et c'était inhabituel. Mais c'est quand elle m'a dit qu'elle était surprise que je travaille aujourd'hui que j'ai réalisé que c'était le printemps.

Le printemps, c'est le retour des parasols au Canal Café et des heures lentes juste rythmées par les trains.
C'est le thé oolong qui est glacé et l'écharpe qu'on met, qu'on enlève puis qu'on garde.
C'est le soleil qui réchauffe gentiment et les enfants qui exercent leur marche encore hésitante.
C'est les rondelles d'aubergine dans le panini.
C'est une bonne surprise de se dire qu'on va pouvoir passer le reste de sa journée dans l'oisiveté... Comme beaucoup de monde ici aujourd'hui...

Tuesday self portrait (la vérité)


1- J'ai les yeux bleus.

NON. Et voilà un mythe qui s'écroule !!!

2- L'une de mes soeurs a, un jour, posé sciemment un opinel chauffé à blanc sur mon poignet.

OUI. A l'endroit où certains font le choix de faire pénétrer la lame de l'opinel. La trace indélébile que j'ai là me rappelle régulièrement cette drôle de nuit où -alors que je n'ai qu'un seul prénom- mon identité s'est enrichie du nom d'un cervidé (sika) et d'un adjectif secret.

3- J'ai passé une année de ma scolarité dans une classe sport-étude-rugby.

OUI. Des filles rêveraient de ça, peut-être. Une classe de mecs musclés et virils. Qui ne se rasaient pas les veilles de match. Et ça se voyait. Parce que, dans cette classe, j'étais une des seules à avoir l'âge qu'on a généralement en 5ème.

4- Comme mon prénom l'indique, j'ai des origines Bretonnes.

NON. Mais j'y ai de très heureux et très nombreux souvenirs de vacances.

5- J'adore jouer aux jeux de société.

NON. Beurk !!!

6- J'ai suivi des cours de dactylo.

Quand mon père a acheté une machine à écrire électrique, il a informé ses filles qu'elles n'auraient le droit de s'en servir que si elles savaient en maîtriser le clavier. J'ai donc pris l'option dactylo en seconde. Deux heures par semaine. Sur la fiche de renseignements de la première heure, à la question "pourquoi avez-vous pris cette option ?", mon voisin avait répondu : 'pour quand ma secrétaire sera malade". J'espère pour lui que, s'il a une secrétaire, il l'a choisie de solide constitution !!!

7- J'ai vu Barry Lindon de Stanley Kubrick au moins 6 fois.

NON. Jamais. ça, c'est le mystère. Je n'ai jamais réussi à voir ce film. Raté au cinéma. Jamais disponible quand il passait à la télévision. Puis plus de télévision. E. l'a acheté ici. Je peux le voir. Sous-titré en anglais. Ou en japonais. Sur l'écran minuscule de mon ordinateur. Peut-être un jour. Mais pas encore.

8- J'ai été l'objet d'une prédiction inattendue faite par mon dentiste.

OUI. Elle ne s'est pas (encore) réalisée. Quand j'y pense, c'est un peu encombrant mais je ne peux pas l'oublier complètement.

9- Ma spécialité culinaire, c'est les soupes de toutes sortes.

NON. A force de me régaler de celles d'E. (Epinards-lentilles. Carottes-curry. Cresson-pommes. Courgettes-citron. Chataîgne-chorizo...), je ne sais en faire aucune. Pour mon plus grand malheur.

10- J'ai déjà coulé une bielle.

OUI. Je n'en tire aucune fierté. Et c'est une expérience que je ne vous souhaite pas !

19.3.07

Souvenir de Paris


Cette photo est le verso du 31 décembre.
Je ne sais rien de lui. Il est comme tant d'inconnus, en train de fumer sur les toits, sur les balcons, de dormir sur un banc, de rêver les yeux dans le vague au parc... qui impriment leurs silhouettes sensibles sur mes pellicules photo...

Tous ces gens dont je ne peux pas m'empêcher d'imaginer la vie.

Combien de fois, moi, ai-je été photographiée dans les rues de Paris ? De combien de Japonais ai-je été l'objet de curiosité qu'ils rapportaient dans le ventre de leur appareil et montraient ensuite à leurs amis ?
J'étais contrariée, à l'époque.
A présent, je me rends compte à quel point j'étais l'incarnation de LA Française, à quel point j'étais le souvenir tentant voire évident d'une escale à Paris.
Ce n'était pas ma coiffure -certes excentrique- ni mon goût immodéré pour les vêtements outrageusement colorés qui faisaient se retourner les têtes. Mais plutôt le véritable croissant au beurre verni qui, monté en broche, ornait mon duffle coat bleu électrique !

Depuis mon arrivée à Tokyo, le hasard se mêle, s'emmêle tellement à ma vie que j'attends le jour où je rencontrerai un Japonais, encore tellement enthousiasmé par son voyage à Paris dans les années 90 qu'il voudra m'en montrer les clichés. Sur lesquels je me reconnaîtrai. J'en serai à peine étonnée.

Bientot lundi



Certains dimanches savent être discrets, s'écouler tranquillement au gré des plateaux repas.

Aujourd'hui, il y a eu :
-un petit déjeuner aux allures d'ordinaire : tofu à la banane et au sésame noir.
-des sandwhichs, une jolie salade et une omelette au natto dans le soleil du balcon.
-des mochis à la terrasse du Wendy's (mais on n'y retournera pas, dans cette pâtisserie du bas de la rue...)
-un verre de vin et un pruneau au jambon sur un air de salsa.
-et, le meilleur pour la fin : une soupe de légumes et du poulet à la moutarde.

Ce sont des journées indulgentes et bonnes à prendre...
Mais déjà se profile lundi... Et l'espoir que le facteur passera pour moi.

17.3.07

Read this fucking book

Quand je les entends parler, je me dis souvent que les lecteurs de Jim Harrison ont de la chance.
Ils en parlent avec une passion qui fait envie.
C'est un peu la même chose quand il s'agit d'Hemingway, de Kerouac, de Fante.. Ces écrivains Américains que mon ami R. qualifie de "souvent gros, alcooliques et désabusés", disant d'eux "qu'on en est tous revenus"...
Pas moi. Je ne peux pas en être revenue puisque je ne les ai jamais lus.
J'ai du mal à expliquer pourquoi mais je n'ai jamais été très amie avec la littérature américaine. Et déjà enfant, avant même de savoir à quel point je pourrais être urbaine, je n'ai jamais été attirée par les romans des grands espaces et de la pêche à la mouche.

Jenny lit en silence mes lignes depuis son jardin odorant et breton. Elle m'envoie parfois un compliment bien tourné, quand mes mots réussissent à la toucher.
Un jour, de passage chez son libraire, elle pense à moi et me propose tellement généreusement de m'envoyer le livre de mon choix que j'accepte l'envoi seulement s'il s'agit de SON livre à elle.
Elle répond que, si elle devait être Robinson, alors c'est Jim Harrison qui serait son Vendredi.
Ah.
Passée cette réaction, j'attends avec impatience le colis de Jenny.
J'ai enfin une bonne raison de me colleter avec cet Américain-là : quelqu'un que j'ai envie de connaître qui me dit "read this fucking book". La meilleure raison.
On devrait pouvoir faire connaissance ainsi : donner à voir de nous ce que nos livres aimés disent de nous. Présenter nos auteurs favoris comme nos amis.

Et d'emblée, j'aime cette écriture sans roublardise, qui installe un récit en deux pages, simplement et sans effet de manche... Qui nous raconte une histoire sans nous embobiner, en nous laissant libres de suivre le fil. Ou pas.

Dalva est une de ces femmes libres et si attachantes. Qui sait transformer les souffrances, les bêtes douleurs de la vie en force discrète, en confiance en elle, en humour distancé. Une héroïne de la trempe de celles de Laurie Colwin, qui se souvient tranquillement de ce qui l'a menée jusque là et pose sur les événements et les personnes un regard tendrement ironique.
Dalva est de ces femmes qu'on aimerait avoir comme amie.

Et je devine que Jenny est de celles-là aussi. Une femme dans le jardin duquel il serait bon de laisser passer les heures. Arracher distraitement une ou deux mauvaises herbes pendant que le thé ne refroidit pas.

"Tous mes ancêtres que je connais étaient de grands épistoliers et de fervents adeptes du journal intime. Comme s’ils croyaient qu’ils risquaient de disparaître s’ils ne couchaient pas leur vie sur le papier. Un temps, vers l’âge de vingt-cinq ans, j’ai interrompu ces habitudes, mais j’ai bientôt eu le sentiment de me répéter, devenir assommante. J’ai donc recommencé d’écrire pour me débarrasser de mes pensées et de certaines informations, pour faire de la place au nouveau. On procède ainsi à un relevé topographique d’une région, puis on va de l’avant."
Dalva. Jim Harrison. 10/18

Petit jeu entre amis

Et moi qui croyais avoir de vrais amis... voilà qu'ici, on m'accuse de tentative d'assassinat et que , on me refile un questionnaire à la noix... Ah merci !
Bon bon bon... Je choisis la version d'Aëlle : parmi ces 10 affirmations à mon sujet, démêlez les vraies (il y en a 5) des fausses (il y en a 5 aussi, fatalement !)... A vous de jouer... Vous avez jusqu'à mardi (réponses en forme de tuesday selfportrait...) pour imaginer de moi ce que vous voulez...

1- J'ai les yeux bleus.

2- L'une de mes soeurs a, un jour, posé sciemment un opinel chauffé à blanc sur mon poignet.

3- J'ai passé une année de ma scolarité dans une classe sport-étude-rugby.

4- Comme mon prénom l'indique, j'ai des origines Bretonnes.

5- J'adore jouer aux jeux de société.

6- J'ai suivi des cours de dactylo.

7- J'ai vu Barry Lindon de Stanley Kubrick au moins 6 fois.

8- J'ai été l'objet d'une prédiction inattendue faite par mon dentiste.

9- Ma spécialité culinaire, c'est les soupes de toutes sortes.

10- J'ai déjà coulé une bielle.

Sandrine et Sébastien, eux, sont des amis, des vrais de vrais : merci-merci pour Jeanne Balibar (dont le "Rien" est mon hymne absolu !) et Bertrand Betsch... C'était une bande son parfaite pour réfléchir à ce questionnaire que je ne refile à personne parce que, moi, j'aime mes amis !!!!

15.3.07

Les heures tendres


S'acheter des fleurs, c'est s'acheter du bonheur, une vie en technicouleur.



Et boire du thé, c'est parfois philosopher :

"LE TEMPS RACONTE TOUT
C'est le temps qui crée la personnalité, c'est le temps qui développe l'intelligence. Aujourd'hui j'accompagne les heures tendres."

14.3.07

Sur un air d'Ennio Morricone

Il y a un temps où, enfant, lorsque je m'éveillais, j'essayais de me persuader que je dormais encore, que la lumière grise qui entrait par la fenêtre n'était qu'un élément du rêve et que je retrouverais -en m'éveillant vraiment- ma balançoire au fond du jardin planté de bananiers.
J'ai dû admettre, avec le temps et la succession des réveils qu'il me faudrait vivre là. Loin des bananiers. Mais près du centre commercial 2002.
Un centre commercial désuet dès son ouverture où des petites boutiques -marchand de sport, papeterie, parfumerie... se sont succédées avant de disparaître vraiment. Où le supermarché s'est appelé Codec avant de changer -combien de fois ?- d'enseigne. Où les vitrines du bureau de tabac étaient pleines d'articles pour fumeurs en porcelaine, en verre, du kitch qui fait rêver les enfants. Où les longs comptoirs de la boulangerie comportaient un immuable rayon bonbons. De ceux qui craquent sous la dent avant de révéler un sirop trop sucré, écoeurant, pas bon.
Il a fallu attendre la proximité du nouveau siècle pour que je comprenne -enfin- que certains nombres étaient des dates... Et que les enseignes qui les avaient choisies (Optic 2000. Le centre commercial 2002...) en guise de signes extérieurs de modernité se retrouvaient, en fin de compte, affublées d'une date de péremption.
Quand je suis à Ikebukuro, je pense souvent à 2002 et aux années 70.
Parco et Seibu m'évoquent les Galeries Lafayette d'Orléans et je suis sûre qu'il y a, ici, des femmes de mon âge qui ont les mêmes souvenirs que moi là-bas. Le souvenir de ces après-midis de petites filles où, accompagnées de leur mère, elles descendaient au sous-sol choisir la pâtisserie qu'elle mangeraient sur le toit.
Ces grands magasins, malgré leurs travaux réguliers, leur volonté de rénovation, ne parviennent jamais à masquer complètement leur passé et gardent, en permanence, un petit air ringard.
C'est aussi ce qui fait le charme de Tokyo : cette ville réussit à donner d'elle-même une image de modernité absolue alors qu'elle empile les époques les unes sur les autres, juxtapose les maisons en bois et les immeubles modernes et s'accomode de ces palympsestes le plus simplement du monde.

Sunshine 60 est un des centres commerciaux d'Ikebukuro. 60, c'est le nombre d'étages. Mais je pense que ce ne serait pas choquant d'imaginer que c'est l'année de sa construction (or non : 1978).

Les couloirs de Sunshine City sont emplis de l'odeur outrageusement sucrée des crèpes que viennent engloutir les écoliers en fin d'après-midi. Et ils résonnent de refrains à la mode. Mais c'est une agitation factice. Une bonne humeur obligatoire, de celle qui règne dans les fêtes foraines : le rire des enfants est sincère mais le vernis de la nacelle du manège et le forain ne desserre pas les dents en ramassant les tickets.
Certains couloirs de Sunshine City ont des allures de défaite.

Quant aux terrasses extérieures, elles sont le royaume du carrelage, des lignes de fuite, le règne de la verticalité.

Miss Ritchie dit : "je vais à la ville fantôme". Et, en effet, on imagine bien, dans ces lieux désertés, une musique de western et l'irruption d'hommes en quête de règlement de comptes.

Or, les seuls hommes qui apparaissent dans le décor sont en cravates. Ils fument une cigarette près des distributeurs, ou mangent un onigiri aussi rapidement que si le film était projeté en accéléré.

A Sunshine City, je pense aux escaliers de 2002, usés par mes pas. Mais aussi à ceux sous l'arche de la Défense qui, dans les années 90, m'ont souvent servi de banc.
J'y retournerai, un jour des années 2010, rencontrer mon fantôme d'il y a 20 ans et voir comment le quartier a vieilli, lui.


(Aujourd'hui, dans le four, le cake était au yuzu et aux graines de pavot. Il y a des choses qui mettent du temps à devenir des évidences. Mais, certains jours, on se dit "mais oui, c'est bien sûr !")

13.3.07

Tuesday self portrait



Je vis les saisons du Japon pour la deuxième fois.
Alors je sais parfaitement que je les regretterai bientôt, les jours comme ce mardi. Ces jours où, pourtant, j'en ai assez d'enfiler un blouson, une écharpe.
Je sais parfaitement que, très vite, j'aurai des envies de cheveux courts.
Je sais que viendra la nostalgie du pull.
N'empêche, aujourd'hui, qu'est-ce que j'aimerais être en tee-shirt...

Edit :
Elles sont jolies, ces requêtes formulées chez Google :
13 Mar, Tue, 02:24:29 Google: Ben a répondu Rufus on va les emmener chez nous
13 Mar, Tue, 21:07:44 Google: les types comme moi elle

La chambre


"Et après le débat, comme dit Casanova, fronçant les sourcils, vous diriez C'est bizarre." (Kat Onoma)

11.3.07

L'armoire à pharmacie


Finalement, vous n'intéressez personne quand vous êtes toujours en bonne santé. Tout le monde se fiche de votre sommeil de bébé...
Dans ces cas-là, vous n'êtes pas une personne saine. Juste insipide...

Alors que... Evoquez le début d'une insomnie... Et voilà que vous recevez une petite musique blanche comme neige pour vous bercer.
Dites que vous ne vous sentez pas très bien et vos amis arrivent avec leurs remèdes et leurs conversations et vous font oublier d'éternuer pendant une poignée d'heures...

Si, donc, comme moi, vous sentez venir le rhume du printemps, celui qui débarque pile au moment où vous vous dites avec satisfaction "tiens, encore un hiver où je n'ai pas été malade"... Je vous conseille :

-Une orange au réveil.
-Une matinée au lit.
-Une petite promenade au soleil.
-Un thé gingembre/yuzu/miel.
-Et, surtout, surtout, de très bons amis.

10.3.07

Going where the tea trees are

Il me fixe des rendez-vous à Hachiko à Shibuya.
Tout le monde a rendez-vous à Hachiko mais il dit que c'est facile de me retrouver grâce à mes cheveux courts (il ne dit pas que je suis plus grande que lui et que ça aide aussi.)

Il dit 13H30 mais appelle une heure avant pour décaler (il ne dit pas que, quand il me téléphone, il est encore dans son lit.)

ça fait un an qu'on s'est rencontrés (il se souvient de tout ce qu'on s'est dit ce jour-là. Il sait combien nous avons changé.)

ça fait six mois qu'on ne s'est pas vus (son travail. Il n'a pas envie d'en parler, pour une fois qu'il n'y est pas.)

Il me fait rire (mais il ne le fait pas toujours exprès.)

Il m'attend patiemment quand je prends mes photos dans les rues de Shibuya (mais il regarde ailleurs, un peu en retrait.)

Il a un an de plus que moi (il soutient que ça ne se voit pas.)

Il ne sait pas encore quand il commencera à vivre pour de bon (peut-être en octobre. Il y travaille.)

Peut-être qu'un jour, il vivra dans mon pays pendant que je continuerai à vivre dans le sien (il en sourit aussi.)

Nous traversons la rue jusqu'au Yoyogi Parc (il dit qu'il n'y est jamais allé et je sais que je dois le croire.)

Nous nous reverrons avant six mois. Peut-être sous les sakuras (il dit qu'il n'a jamais fait hanami et je sais que je dois le croire.)

J'aime son sourire. Les rides qu'il a autour des yeux. Je sais que j'ai les mêmes. Ni plus ni moins (quoi qu'il en dise.)

9.3.07

Le local à poubelles

J'aimerais parfois remercier tous ces gens qui, en jetant leurs vieux objets à la poubelle, me permettent, quand je les trouve, d'apporter un peu de poésie à mon appartement.