30.9.07

Dimanche

Du lait de soja. Du thé : "Shanghai breakfast". Orange Pekoe/cannelle du Vietnam. Epices. Russian Earl Grey.

Jean Sebastien Bach. Arvo Pärt. John Coltrane.

La fin du Tim Winton.
"La nuit tombe. Ils se traînent. Ils n'iraient pas moins vite à pied. Horrie cherche Arvo Pärt sur le siège à côté de lui. Ils tanguent sur la nationale sans lumière. Là-bas, dans le noir de l'horizon, le ciel s'illumine d'éclairs. (...) Bess enfourne la cassette dans l'autoradio et avec lenteur, comme une marée, la sonnerie d'un glas emplit le véhicule, bientôt rejoint par un ruissellement de cordes. Quelque chose qui roule en descendant inexorablement, compulsivement, presque obsessionnellement, toujours plus bas. Plongeant. A en avoir la chair de poule. Beau à en crever."

"Il a encore du mal à croire qu'il ait pu arriver ici sans un seul livre. Il revoit toutes les occasions qui se sont présentées sur la route, la vieille caravane de Bess bourrée de recueils de poésie. Ils songe avec nostalgie à tous les romans qu'il a un jour dédaignés ou qu'il a renoncé à lire, tous ces Anglais à trait d'union, ces Américains à patronyme triple qui l'ont fait tomber de sommeil. Revenez Gertrude Stein et Jean-Paul Sartre -tout est pardonné. Fox se contenterait d'un annuaire de téléphone, d'une liste de courses."
Par-dessus le bord du monde. Tim Winton.

Le bruit de la pluie.
Les dernières somen au tofu de la saison.
Un bol cassé.
Une enveloppe fermée noyée dans le thé.
Quelques nouvelles de la cave et de la bibliothèque.
Une photo à trouver pour la presse locale.
Avons-nous vraiment encore l'âge des possibles un dimanche après-midi ?

29.9.07

Tokyo la nuit


Dans la nuit, à Tokyo, il y a des fenêtres qui forment des carrés blancs.

28.9.07

Tokyo un vendredi

A la question "et toi, quel jour préfères-tu ?", elle répond : "Je les aime tous. Parce que, tous les jours, il y a quelque chose d'intéressant."
Je ne lui donne pas tort.

Aujourd'hui : quelques lignes droites dans la ville.
Une centaine de pages de Par-dessus le bord du monde de Tim Winton :
"Que va-t-on faire ? dit-elle.
Qui sait.
On devrait être consternés de s'être rencontrés.
Ouais.
Tu peux me faire confiance.
Je te fais confiance. Merde, je suis bien obligé, dit-il. Fais bien attention, c'est tout.
Mais que va-t-on faire ?
La vie est longue.
Qu'est-ce que ça veut dire ?
Je ne vais nulle part."

La lumière magique de quatre heures et quart dans l'herbe, dans le parc et ce papier peint en guise de papier cadeau qui me revient après lui être allé.
Un livre de Sarah Moon à 105 yens.
Le sourire du garçon blond qui répète à l'envi mon prénom et qui, demain, fêtera ses deux ans.
Du vent dans la nuit.

27.9.07

C'est jeudi !


L'autre fois, Madame Gâ -qui devait faire chauffer l'eau de sa dernière théière de la matinée- m'a demandé s'il faisait beau à Tokyo. Il était 19H et j'étais à Meguro. Oui, il faisait beau, la lune brillait, le vent balayait les nuages. Oui, il faisait beau mais, surtout, il faisait nuit.
Ici, nos mots ne souffrent pas de décalage horaire : c'est toujours l'heure du courrier.

26.9.07

La vie des livres

Parfois, je le fais exprès. Je sais ce que je laisse entre les pages :
un autoportrait en noir et blanc à la Wong Kar Wai.
Des notes à propos d'un autre livre, écrites pour une émission de radio en 1998.
Un morceau d'aquarelle.
Parfois, j'oublie ce que, un jour, j'ai glissé dans mes livres et y découvre, surprise :
une fleur de sakura séchée.
Un marque page offert à un anniversaire.
Une photo de Médor.

Ce livre de Nicolas Bouvier comporte une dédicace que je n'arrive pas à lire. Une seule certitude : elle ne m'est pas adressée. C'est un livre passé entre d'autres mains. Un livre qui ne m'a pas toujours appartenu.
Ce matin, au café, pendant que j'attends Paul, je le feuillette et y trouve un morceau de nappe écrit.
Ces mots ne m'ont jamais appartenu. Glissés là par E. qui, peut-être, se souvient pourquoi il a voulu les garder ...

C'est émouvant, la vie des livres.


Et ce soir, dans un autre café, je m'aperçois avec stupeur que j'écris avec une encre qui a l'exacte couleur de mon sang.

25.9.07

Tuesday self portrait

Buveuse de thé...

24.9.07

Danse et reve


Dans la radio, la bande son des retours dans la nuit, du souvenir des cigales de l'été, du bonheur d'enfiler -de temps en temps- une chemise, des pas de danse esquissés sur le quai de la yamanote, de la mesure marquée sur le guidon le temps du feu, d'une brique de lait de soja bue en marchant, d'un sac empli de livres inutiles, des vendredis qui se suivent et ne se ressemblent pas, de dix minutes passées sur un banc, d'un timbre collé sur une enveloppe, de mots de toutes les couleurs, des courses du petit déjeuner glissées dans un sac Monoprix, d'un pique-nique impromptu après une séance chez le coiffeur sans rendez-vous, du temps perdu, du sommeil volé à la journée, du rêve, des rêves. La bande son de mon Japon. Une fin d'été 2007.

23.9.07

Jour de shampooing

Lavant mes cheveux ce dimanche, je redoutais un peu d'en ressortir ainsi :

Ou encore, comme ça :

Mais non ! Mon brushing est impeccable !!!

22.9.07

Saturday's portrait

"J'ai dessiné tous ces visages comme si je me penchais, à chaque fois , par une fenêtre ouverte. Je regardais attentivement, attendais l'imprévu et aussitôt j'essayais de le raconter. Avec des crayons, des bouts de papier ou des boutons."
Beatrice Alemagna. Portraits.

Il y a Veronica et Angelita. Mais aussi Carlos, Filippo et Aniara...

Quand j'ai rencontré Beatrice Alemagna, je lui ai dit que j'enviais les personnes qu'elle avait rassemblées dans son livre et elle a souri.
Je lui ai dit aussi que, ce livre, je le glisserai dans ma valise pour le Japon. Que je ne savais rien de la vie qui m'attendait là-bas si ce n'est que j'avais envie que ses peintures l'accompagnent. Et elle a encore souri.
Elle a utilisé un crayon de la couleur de mes cheveux pour me faire rentrer dans son recueil.
Parfois, je regarde ces portraits et, comme pour les gens que je vois dans le train, j'invente une vie à chacun.

Parfois, je regarde mon portrait, je me reconnais toujours, même si j'ai les joues moins rondes et les cheveux plus courts.
J'aime la vie que le Japon m'a inventée.

21.9.07

6H30-9H30


Les petites heures du matin ne durent pas longtemps et il faut se coucher tôt pour se lever avant le soleil.
Alors que je monte en danseuse la côte qui passe sous mes fenêtres, les rues de Sugamo sentent déjà le poisson séché.
Un scone aux raisins et du lait de soja dans mon sac. Il est bon, parfois, de changer son point de vue à l'heure du petit déjeuner.

Je sais qu'au bord de la rivière je trouverai où m'arrêter et sous l'ombre déjà chaude des sakuras je pense aux jours de printemps où je me lèverai aussi tôt pour venir voir les mêmes branches alourdies de fleurs.

C'est l'heure des tournois de cricket dans les squares. Des hommes qui finissent de nouer leur cravate en marchant. Des chiens dont les maîtresses se saluent.

Je me demande, quand il me dit "I want to become your friend", sur un bout de trottoir et qu'il le répète trois fois, voulant aussi mon adresse mail autant de fois, s'il a manqué le cours où il aurait pu apprendre à dire "I would" ou si, connaissant la nuance, il choisit justement cette forme-là...

20.9.07

C'est jeudi !


Attendues à ce jour, la facture de gaz et d'électricité mais, ici, je reçois, toutes les semaines, une carte postale propre à m'en consoler.

19.9.07

"Le temps semble long, il est celui qui tous les jours aussi nous donne cette valeur."


(Nous avions pris l'habitude de guetter les lieux communs : "Dans un monde où tout va si vite", "dans ce monde où tout s'accélère" dans les allocutions de rentrée du metteur en scène. Le reste de l'année, nous les utilisions en souriant. Une connivence.)

On serait tentés, parfois, de croire le metteur en scène, de penser que le monde peut s'accélérer et avec lui le temps et qu'il nous rapprochera plus vite de l'instant qui nous rend impatients.
On serait tentés, parfois, d'avancer les aiguilles de nos montres, de faire disparaître quelques jours du calendrier, en douce. Un par-ci par-là, l'air de rien, pour que ça ne se voie pas, que personne ne remarque rien. Comme un enfant malin qui se sert une cuillère de lemon curd illégale par jour -une petite cuillère- plutôt que de plonger une louche dans le bocal.

Mais comment les choisir, ces jours dont on pourrait se débarrasser sans dommage ???
De chaque jour, je garde une belle image. (Hier, un bagel qui nous console d'un sandwich au renne)
Et, à l'heure du oolong, j'aime encore ignorer où sera ce joli moment de la journée.
Où se cachera ma 13ème heure.

18.9.07

17.9.07

Sans objet


"Je voulais toujours garder présente en moi l'idée que j'allais mourir un jour. Sinon, comment avoir la sensation d'être vivante ? Voilà pourquoi ma vie avait pris cette tournure.
Dans l'obscurité, on chemine d'un pas incertain au bord du précipice, avant de déboucher enfin sur une route avec un soupir de soulagement. Exténué, on lève la tête : le clair de lune est d'une beauté qui pénètre le coeur. Cette beauté-là, je la connaissais."
Banana Yoshimoto. Kitchen. Gallimard

16.9.07

La fonte des neiges


Je ne parviens pas à y croire, moi, au coup du marionnettiste, du scénariste ou de je ne sais pas qui -narrateur omniscient- qui prévoierait tout pour nous, écrirait la pièce (s'il y a quelqu'un cependant, j'aimerais de meilleurs dialogues dans bien des cas, s'il-vous-plait-merci !), dévierait le volant de la voiture qui s'apprête à rencontrer la trajectoire de mon vélo, me ferait croiser le regard de ce joli garçon un jour de poisson à Sugamo...

Et pourtant, certains jours, j'aurais de quoi me poser la question...
Qu'est-ce qui m'a fait remettre la vaisselle à plus tard, qu'est-ce qui m'a retenue de sortir avant, qu'est-ce qui m'a convaincue de ne pas sortir sans maquillage, qu'est-ce qui m'a fait choisir ce chemin plutôt qu'un autre ???

En écoutant fondre la glace, je me le demande...
Je n'ai pas la réponse. Juste la sensation d'avoir découvert un trésor inestimable et éphémère.

15.9.07

Pays de neige


(photo de Suzuki Risaku. White)

Seuls nos portables ont sonné au musée de la photo.
Nous avons pouffé dans la première salle. Les cascades nous ont fait penser à celles, animées grâce à une lumière à l'arrière, qu'on voit dans les restaurants chinois.
Les clichés de feu servent de flambeaux et éclairent le couloir sombre.
Puis, soudaine, surprenante, aveuglante : la salle de neige.
Il est presque étonnant de ne pas entendre nos pas crisser, de ne pas laisser de trace sur le sol en marchant.
Tant de blanc. Tant de neige.
Nous n'avons plus eu envie de rire.
Puis, près de la porte, une volée de sakuras, une brassée de fleurs sur fond bleu.
Et j'ai senti mes mots impuissants à lui raconter le printemps, les fleurs et leur magie.

Plus tard, une poignée d'heures sur un banc dans le soleil.
Il ne s'est pas totalement défait d'Orlando. Je lui donne un morceau de ma bibliothèque.
Il évoque cette fille qui ne veut pas le voir autrement que comme il était au lycée.

Avant, quand je rencontrais des personnes nouvelles, je me sentais un peu découragée d'avance : je savais qu'il y avait, dans leur entourage, des amis de toujours, des amis d'enfance qui les connaissaient tant que jamais, moi, je ne saurais combler mes lacunes.
A présent, je suis plus sereine.
Je sais de leur passé ce qu'ils veulent bien me donner. Et c'est bien ainsi.

J'apprends de lui qu'il s'endormait bercé par des filles de l'Est à l'âge de 14 ans.
Je connais le nom de son premier amour dont elle a tenté de retrouver la trace grâce à internet.
Je peux l'imaginer, elle, traversant les rues d'Orléans avec ses cheveux bleus.

De lui, je sais qu'il aime quand les objets ont des noms. Nous avons la même bouilloire et elle s'appelle Justine.
Lui à Paris, moi ici... Elle me reviendra souvent, sa voix pleine de sourire "faisons chauffer Justine", aux heures du thé.

13.9.07

Mon quartier

Quand je suis arrivée au Japon, j'envoyais des mails à mes amis, à ma famille. J'ai relu celui-là et l'aime bien. J'ai déménagé depuis, changé de quartier mais le reste est identique.
Vous qui avez déjà lu ce texte, excusez-moi de la redite... Mais vous n'êtes pas très nombreux...



Avec l'accord de vos parents, vous déménagez. 
Vous choisissez d'achever vos études à Tours. Vous y partez pendant deux jours pour trouver un appartement. Votre dossier universitaire, quant à lui, a déjà été transféré à la fac. 
L'arrivée dans une ville signifie la découverte de ses agences immobilières. En vitrine de l'une d'elles, minuscule, vous voyez une annonce qui vous attire. Jamais, à Tours, vous ne connaîtrez d'autre agence que celle-là. D'ailleurs, vous ne visitez qu'un studio. Petit mais doté d'une très grande terrasse plein sud. C'est là que vous habiterez. 
Tours n'est pas une ville inconnue. Adolescente, vous y avez séjourné chez votre soeur qui y faisait, elle aussi, ses études. 
Séjours magiques d'une grande liberté dans une ville qui vous paraissait autrement plus vivante que celle dans laquelle vous habitiez. 
Régulièrement, quand vous allez en cours, vous vous souvenez de ce jour où, avec votre soeur, vous étiez passées devant la faculté de lettres. Elle vous avait dit qu'elle vous imaginait bien là, plus tard.  Vous aviez quinze ans. Vous aviez du mal à comprendre en quoi consistaient les études universitaires. Celles que menait votre soeur (elle était en sciences-éco) vous paraissaient particulièrement mystérieuses. 
Parfois, alors que les couloirs de la fac de lettres de Tours vous étaient devenus totalement familiers, vous repensiez à la phrase de votre soeur qui sonnait comme une prophétie ! 
Vous n'avez jamais emprunté l'avenue de Grammont sans jeter un oeil à l'immeuble qui était le sien et où vous aviez mangé une assiette de pâtes à la sauce tomate à plus de minuit, après avoir vu "En dessous du volcan" au cinéma Les Studios. 
Pendant longtemps, vous vous êtes demandée où était situé le restaurant près des Halles -buffet à volonté- où vous aviez mangé ensemble. 
C'était des repères dans la ville, ces traces de votre jeune regard. 

Habiter une ville, aussi grande soit-elle, c'est toujours habiter un quartier. S'y construire des itinéraires. Ceux des jours pressés. Ceux d'école buissonnière. Ceux des jours où on se trouve pas mal et qu'on veut le vérifier dans le plus grand nombre de reflets de vitrines possible. Ceux des jours de pluie. Ceux des jours où on rentre chez soi à reculon. Ceux où, l'esprit aventureux, on se décide à prendre sa rue à rebours...

Habiter un quartier, c'est passer plusieurs fois par jour devant le même fleuriste. Vous décidez que ses petits bouquets sont assez bon marché pour en acheter régulièrement. Un jour, responsable d'une parole blessante, vous cherchez à réparer ce qui ne pourra pas l'être. Vous expliquez votre problème au fleuriste. Il élabore un stratagème qui vous permet d'envoyer une rose rouge dans un tube en carton. Le garçon qui l'a reçue s'en souvient-il aujourd'hui ? Le fleuriste, en tout cas, ne l'a pas oublié pendant longtemps, vous accueillant avec un sourire complice, y compris le jour où vous êtes allée le voir pour votre bouquet de mariage. 
Malgré la rose rouge, c'est avec un autre que vous vous êtes mariée. 

Habiter un quartier, c'est passer plusieurs fois par jour devant la même librairie. Dans cette vitrine, ça n'est pas votre reflet que vous regardez. Les livres fondateurs de votre bibliothèque viennent de cet endroit. Vous devenez familière des lieux. Vous y croisez d'autres familiers. Vous ne connaissez pas toujours leur nom mais vous reconnaissez leur visage quand vous les croisez dans la rue. 
Parmi les familiers, vous y rencontrez, un jour, un garçon qui est avec vous en cours, avec qui vous parlez de temps en temps. Ce jour là, vous quittez la librairie pour aller au café. Vous avez l'impression de faire connaissance pour la première fois. 
Vous ne pouvez plus compter les fois où vous êtes allés ensemble dans cette librairie. Un jour que vous y étiez, rien n'avait apparemment changé. Mais vous portiez, tous les deux et au même doigt, une bague que vous n'aviez pas quelques semaines auparavant. 

Habiter un quartier, c'est y faire son marché. Vous vous faîtes offrir des oranges, des kiwis par votre marchand de fruits (le marchand de légumes est le garçon qui porte la même bague que la vôtre). Car ces personnes qui vous connaissent sont VOTRE fleuriste, VOTRE libraire, VOTRE marchand de fruits, VOTRE coiffeuse, VOTRE dentiste... Même si vous savez que vous n'avez pas leur exclusivité, vous leur accordez la vôtre à la perplexité de vos camarades de fac qui fréquentent les supermarchés, ne vont pas chez le coiffeur et achètent encore moins de fleurs. 

Habiter une ville, c'est passer dans une rue, se dire "j'aimerais habiter un jour ici". S'en souvenir le jour où vous emménagez là, justement. 
C'est, plus tard, se trouver dans la rue du studio qui vous parait abriter une vie déjà ancienne. 
Vous avez vos habitudes dans les cafés. Vous pouvez rarement sortir sans croiser quelqu'un que vous connaissez. D'ailleurs, vous avez l'impression de ne plus pouvoir rencontrer quelqu'un de vraiment nouveau, de totalement inédit tellement tout le monde se connaît. 
La ville vous avait parue assez grande pour contenir votre vie mais vous comprenez que votre vie ne se limite pas à cette ville. Qu'il y a, ailleurs, d'autres fleuristes, d'autres coiffeuses, d'autres libraires, d'autres rencontres possibles et qu'il est temps de partir à leur découverte. 

Encore plus tard, une dizaine d'années plus tard, une autre ville vous est devenue familière. Les libraires y sont vos ami(e)s. La coiffeuse est votre patronne. Le marchand de fruits a décidé qu'il était le père de votre mari. Vous déménagez trois fois et vos voisins restent des copains. Vous n'allez pas faire le marché incognito. 
Dans cette ville des possibles, vous y avez des amis avec lesquels vous partagez un thé, parfois. Un cornet de frites. Des verres de bière, des verres de vin. Vos dernières lectures. Des idées de couleurs pour repeindre les murs de la maison. Des recettes de cuisine. Avec lesquels vous interviewez des auteurs de passage pour une émission de radio. Avec lesquels vous montez une association. 
Comme vous travaillez à plusieurs reprises dans des commerces, certains clients deviennent, eux aussi, des amis. Certains font parler vos fenêtres. Certains adoptent votre chat quand, un jour, vous décidez que c'est le moment de partir, de quitter la ville. 
(...)

Habiter à Tokyo, c'est faire partie des douze millions d'habitants de la ville. Vous vous dites que, cette fois, c'est sûr que vous n'aurez pas l'impression de tous les connaître ! 
Mais même habiter Tokyo, c'est habiter un quartier. Le vôtre compte une dizaine de rues. Vous y avez VOTRE boulangère, VOTRE marchande de riz... Quand VOTRE photographe est à la porte de sa boutique et que vous passez dans la rue, il s'incline et vous l'imitez. Au supermarché, même quand vous ne passez pas à sa caisse, une jeune caissière vous fait des grands sourires quand vous croisez son regard. La vendeuse de la pâtisserie vous a déjà demandé où vous habitiez. Et la caissière du shop 99 semble s'habituer à ce que vous lui disiez bonjour en lui tendant votre panier et merci quand elle vous rend la monnaie -ce que personne ne dit ici.... 
Un jour, au supermarché, vous croisez une Coréenne qui prend des cours de japonais avec vous le samedi et vous en profitez pour avoir une petite conversation. 
Un jour, alors que vous partez à pied pour aller à l'école, c'est votre boulangère que vous croisez et qui vous dit bonjour. 
Un autre jour, vous voyez votre marchande de riz dans la rue. Elle est surprise et s'exclame en souriant, en s'inclinant. 
Voilà. Dans cette ville sans fin, vous habitez un quartier. En passant devant des vitrines, vous vous souvenez que c'est là que vous avez fait vos courses pour la première fois. Mais, le même jour, vous découvrez que, au-dessus de ce magasin, il y a une cafétéria devant laquelle vous êtes passée pendant six mois sans une seule fois soupçonner son existence. Et émerger du métro par une autre sortie que l'habituelle ressemble encore à une aventure. 
Vous savez qu'un jour, quelqu'un vous dira "tiens, je t'ai vue, hier, dans cette rue". Et que ça sera peut-être en japonais qu'on vous le dira. Que ça sera le début d'une conversation. 
Et que, pour autant, ça ne sera pas encore le moment de déménager. 


Mon quartier est le titre d'un livre de Dominique Fabre que j'aime beaucoup (il est publié par Fayard). 
Mais, même dans une ville comme Tokyo, on peut faire des rencontres de hasard ou croiser des gens qui connaissent Dominique Fabre ! (mais il faut internet pour donner un petit coup de pouce au hasard parce qu'ils n'habitent pas notre quartier !!!) ...
Où que vous habitiez, où que je vous aie rencontrés, je vous embrasse. 
Gwen.

12.9.07

C'est jeudi !


Une petite histoire de courrier, à lire ici... Il n'est pas sûr que Mme Ga ait trouvé une boîte aux lettres en France (en fait, si !)... Quant à moi (hélas oui !)...

A table


Mes mercredis soirs s'achèvent souvent à Shinjuku.
Et, en rentrant, j'ai faim.
Tandis que je pédale, je fais mentalement le tour de mon frigo, de mes placards... C'est aussi rapidement fait qu'un tour de roue...
Ensuite, puisqu'il me reste de la route à faire, je pense à ce que je voudrais manger. Comme ça, là. Comme si j'étais une condamnée qui va manger son dernier repas.
Un couscous. Une tarte tatin aux légumes grillés. Une langue de boeuf. Un osso bucco. Un gratin de macaronis. Un steak tartare. Une tartine de fromage. Une carbonade. Des frites fraîches. Une côte de porc aux figues et à la purée. Une choucroute. (...)

Ma récompense au fait de ne jamais avoir commis de crime, c'est de rentrer chez moi et de manger une omelette aux légumes sautés.

11.9.07

Tuesday self portrait (une belle étrangère)


Je passe tant de temps à les éviter, les contourner, me faufiler, les doubler... Et, pourtant, je suis incapable de dire à quoi ressemblent les Japonaises.
Grandes ? Petites ? Massives ? Au profil effilé ? Belles ?
Je les sais plus silencieuses que les Françaises. Plus soignées également.
Car les hommes prennent soin d'elles. Ils sont attentifs au paraître. Ils ne veulent pas être vus avec n'importe laquelle d'entre elles.
Ils les entretiennent et, pourtant, ils sont volages.
C'est peut-être universel : ils préfèrent les jeunes.
Indifférents au temps passé avec elles, à la moindre contrariété, ils les abandonnent, ils vont voir ailleurs.
A l'habitude, ils préfèrent la nouveauté.

Hier, je les vois tous les deux. Ils sont jeunes. Elle porte des talons hauts. Et un sac à main doré. Il fume une cigarette. Il est bien coiffé et désinvolte.
En le voyant rester sur le trottoir, tirer une dernière bouffée de sa cigarette tout en se penchant, en la voyant, elle, s'avancer sur la chaussée, regarder à sa droite pour savoir quand elle pourra passer, je me dis que ça n'est pas courant.
Ici, quand les gens sont en couple, l'homme est à droite, la femme à gauche.
C'est l'ordre établi.

Et puis, en les dépassant, je comprends mieux.
C'est tellement rare de voir des étrangères, ici.
Mais, bien sûr : le volant est à gauche. Alors la femme monte à droite.
L'ordre établi est respecté.

10.9.07

Can you wait another day ?


Même s'il a dit 20 heures, je sais qu'il ne s'en apercevra pas si j'arrive cinq minutes en retard. Mais je sais aussi que, en forçant un peu, je peux être à l'heure (19H57... Ce genre de record n'intéresse que moi)...
Le soir, les voitures se font moins nombreuses. Les grillons de l'automne commencent à remplacer les cigales mais il fait encore chaud. J'arrive avant la pluie.
En rentrant, je laisse mon iPod faire le choix de la programmation. Dans la liste "tout et n'importe quoi", ça va, ça vient. Mais ce morceau de Rhesus (Sad Disco) y est depuis le début.
Je me souviens d'un jour. J'étais rentrée de mon cours de japonais, dévalant la pente sans coup de frein de la Waseda dori, et je chantais cet air. Jour de chance : en bas de la pente, le feu était vert. Le ciel était aussi bleu qu'il peut l'être ici et aussi immense.
L'après-midi, j'avais dit à E. que, à Tokyo, je me sentais plus libre que jamais. J'avais eu du mal à expliquer d'où venait ce sentiment. "Tu ne ressens pas ça, toi ?". Il avait réfléchi. "Si".

9.9.07

"le comble de la vertu, un dimanche après-midi, est de répondre au courrier de la semaine"*


J'ai lu un livre ce matin. 160 pages. Deux théières. Et, sur le balcon, le soleil qui atteint le haut de l'immeuble d'en face, le vent qui rafraichit. Le linge que j'étends et qui, à la dernière page, est sec.

J'ai mangé une glace au macha ce midi. Pas d'ombre dans la rue. Vite avant qu'elle fonde.
J'ai dormi cet après-midi. Fugitivement. Juste le temps de rêver sans qu'il en reste rien au réveil.
J'ai écrit deux lettres ce soir. C'était répondre au courrier d'une autre semaine...

Et, pour demain, des projets de cours de langue. Apprendre à dire en chat : "il ne fallait vraiment pas". Parce que la souris morte déposée dans le couloir, c'est gentil mais, vraiment, vraiment... Il ne fallait pas...

*Henry James. "L'auteur de Beltraffio"

8.9.07

Travaux d'aiguille


Deux fois dans la semaine, je remonte le cours de mon année. Ma vie est un patchwork mais je crois avoir enfin trouvé le fil directeur.

Je reconnais l'épais carnet quand elle le sort de son sac.
Quand Aëlle dessine, le temps ralentit et s'apaise. Et moi, j'aime, quand je feuillette les pages, reconnaître certains instants de ses voyages et pouvoir me dire : "j'y étais".
(Ce soir, au bar long de Shibuya. Une bière et du tofu au sésame à tomber)

7.9.07

Danse danse danse

Les lendemains de typhon vont bien à Mélanie. Joli optimisme. Jolie frisure. Et, dans ses yeux, une jolie lumière danse.

Les lendemains de typhon, les oiseaux volent à reculon. Et les arbres, quand il leur reste des branches, dansent.
Les lendemains de typhon, le linge sur les terrasses, avant qu'on le ramasse, danse.



Le soleil se couche à Ikebukuro.

18H, c'est l'heure où on peut encore hésiter.

Rentrer ? Rester ?
Ou s'asseoir là, immobile, pendant que, tout autour, la vie danse.