24.3.08

Les Bolo de Mina

"Le prix Nobel de littérature, monsieur Kawabata Yasunari, entre parenthèses soixante-douze ans, s'est suicidé la nuit du 16 en portant un tuyau de gaz à sa bouche, sur son lieu de travail, au troisième étage du Marina Mansion à Zushi. On n'a pas découvert de testament, et beaucoup de gens de son entourage restent pensifs à l'idée de la caude de ce suicide, mais on dit que depuis son opération de l'appendicite le mois dernier, sa santé laissait à désirer..."
Tout le monde était à sa place, à l'écoute de la lecture de Mina. Grand-mère Rosa avait joint les mains sur sa poitrine, madame Yonda tartinait avec ardeur des morceaux de baguette avec de la confiture de fraises, ma tante brassait son thé. Le soleil matinal qui entrait par les fenêtres orientées à l'est éclairait le profil de Mina. Elle n'avait pas buté une seule fois et lisait correctement tous les caractères chinois, même les plus difficiles.
-"... Le corps a été transféré au cours de la nuit, aux premières heures du 17, dans sa maison de Kamakura où l'ont accueilli sa famille, sa gourvernante et les gens du voisinage."
Lorsque Mina eut terminé sa lecture, tout le monde laissa échapper un soupir de tristesse.
-Ce monsieur Kawabata Yasunari, c'est un ami de la famille ? questionnai-je à la cantonade.
-Non, répondit grand-mère Rosa en décroisant ses mains.
-C'est que vous avez toutes tellement l'air sous le choc...
-Ce n'est pas une connaissance. Nous ne l'avons jamais rencontré. Mais monsieur Kawabata, c'est un écrivain, n'est-ce pas ? Quelqu'un qui écrit des livres. Même ici, il y a des livres de monsieur Kawabata. Ce n'est pas une connaissance mais nous avons un lien. Monsieur Kawabata a écrit des livres, qui sont ici. Ces livres, tout le monde les lit. C'est pourquoi nous sommes tristes.
Mina replia soigneusement le journal et le posa sur la table. Elles sont toutes restées un moment tête basse, comme si elles respectaient une minute de silence, les yeux baissés sur leur assiette, sans se préoccuper des oeufs au bacon qui refroidissaient."
Yoko Ogawa. La marche de Mina.

Vivre au Japon me permet de picorer des Bolo -comme Mina et sa cousine- en lisant le dernier roman de Yoko Ogawa.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour

je viens de terminer "la marche de mina" et je suis ravie de voir à quoi ressemblent des Bolos ! Je n'étais même pas sûre que ça existait !
Je vais faire un petit tour sur ce blog...

Gwen a dit…

.. Et moi, j'ai été ravie de les découvrir ! (en fait, ça n'a aucun intérêt gustatif mais ça, ce n'est pas grave !!!)