30.4.08

L'heure d'été (2)

L'heure d'été, c'est aussi le jasmin qui parfume les rues comme des tasses de thé.
Ce sont les taches de rousseur sur les épaules.
Les chauds et froids dans les trains. 
La recherche de l'ombre en attendant que les feux passent au vert. 
Les ombrelles des filles, la monnaie qui rebondit dans les distributeurs de boissons, les coups de vent bienvenus, la lumière jaune dans la ville, les petits déjeuners sur le balcon avant que la journée débute vraiment...

Et, un an après, retourner m'asseoir sur ces marches, plonger ma cuillère dans la glace au macha et mesurer le temps passé qui a changé le temple en palais.

29.4.08

Tuesday self portrait (l'heure d'été)

C'est un mardi férié mais ni le soleil ni moi ne sommes en congés. Simplement, nous nous retrouvons tous les deux à la même heure : l'heure d'été, l'heure de l'onigiri sur un banc, l'heure du toboggan. 

28.4.08

Un autre bout du monde

Il y a des jours qui comptent plus que d'autres. 

Je ne suis jamais retournée dans l'appartement d'Omotesando où j'ai fait la connaissance de Sacha et je sais qu'il ne se souvient pas de moi. 
Il suffit d'une fois, une fois ça suffit parfois. On croise des gens, on ne les croise qu'une fois et, pourtant, le moment n'est pas anodin. Il reste une ambiance, une vraie conversation, une vie entrevue, une trace... Un instant tout simplement humain, en somme.  Et qu'on n'oublie pas. 
(Et, comme j'ai de la chance, il y a aussi des fois où je les revois, ces gens. Et même plutôt régulièrement : Hiroo,  Shirokanedai, Ushigomekagurazaka... sont des destinations que j'aime noter sur mon agenda)

J'ai fait la connaissance de Sacha, c'était le soir de son premier anniversaire. Depuis, je me tiens de temps en temps au courant de sa vie américaine comme à travers une glace sans tain, comme on sait le faire grâce à internet.
 
Sacha change et son regard devient frondeur en plus d'être rieur. 

27.4.08

Moderato cantabile

La semaine dernière, quand les couleurs de l'instantané sont montées, dans le port de Kobe, j'ai tout de suite pensé à elle et je serais bien incapable de dire pourquoi. Pourquoi Marguerite Duras se manifeste ainsi dans ma vie alors que ça fait si longtemps que je n'ai pas lu ses pages...

Alors que c'est Laurie Colwin que je lis.


"Je ne vois pas pourquoi je devrais me faire frire la cervelle sous un séchoir à cheveux. Je serais incapable de lire un livre sous un de leurs casques, avec toutes ces femmes qui piaillent tout autour. Comme tu l'as dit, c'est une occasion sérieuse, pas un jeu idiot. Je suis censée ressembler à un professeur d'universtité, et c'est ce que je suis.
-Tu pourrais te faire faire une permanente d'universitaire...
-Stuart !" Essie prit la voix nasale et le ton sec qu'elle gardait pour les moments d'irritation. "On ne peut pas faire confiance à un coiffeur. Je ne vois pas pourquoi je devrais ressembler à un caniche juste pour lire un texte sur la pollution et la littérature à la télévision."
Rien que du bonheur. Laurie Colwin.

26.4.08

"J'aimerais avoir plusieurs vies quand même. J'en garderais une pour ne faire qu'écrire"*

(*Michel Le Bris)

A 19H30, j'ai quitté le village et, 11H après en être partie, ça aurait été une bonne heure pour rentrer chez moi.  
Au lieu de ça, j'ai pris l'escalator panoramique de Junkudo jusqu'au 9ème étage. Il faut imaginer neuf étages de hauts rayonnages. Imaginer neuf étages de livres.
Et les trottoirs qui s'éloignent, les parapluies qui dessinent des corolles de fleurs, tout là-bas, tout en bas. 
Il faut imaginer huit étages de livres qui me sont incompréhensibles. 
Au neuvième, je tourne les pages. Photos noir et blanc et de toutes les couleurs. La maladie de la mort, me rappeler la musique de Duras. Quelques échantillons de ma langue. 
Puis, à rebours, rejoindre la rue. La rue qui luit et bruit de tous les rendez-vous de ce samedi. 
C'est Ikebukuro dans la nuit. 

25.4.08

L'heure de lire

Il m'a prêté son livre en me disant qu'il n'allait pas le lire tout de suite parce qu'il risquait de ne pas prendre son temps comme il avait pourtant envie de le faire. Et un livre de ce format, si on ne le savoure pas, alors, après, c'est trop tard.
Depuis, je le transporte avec moi, réfléchissant au moment où je pourrais le lire sans me précipiter. Faire attention à cela, moi aussi.  
Et je pensais que ça pouvait être aujourd'hui, à l'heure de la crème au macha et des tartines au sésame noir.  

Et puis non.
Je suis retournée, un peu,  dans le livre de William Gaddis, m'assurer que j'en avais fini avec lui... Avant de lire les 45 pages de Cap Canaveral de Grégoire Bouillier.


"-vous croyez que c'est pour ça que les gens en écrivent ? des histoires je veux dire ?
-Par indignation... il détendit la jambe en la rapprochant. 
-Non ou peut-être juste ennui. Je veux dire que je pense que c'est pour ça que mon père inventait toutes ces histoires, parce qu'il s'ennuyait, à faire la lecture à cette petite fille sur ses genoux il s'ennuyait et c'est pourquoi elles étaient toujours à propos de lui... sa main continuait à aller, s'arrêtait pour lisser des poils dans la flânerie -parce que ce que vous venez de dire, à propos d'être captif des espoirs de quelqu'un d'autre ? et à propos de la déception ? Je veux dire je pense que les gens écrivent parce que les choses se sont révélées différentes de ce qu'elles sont censées être."
William Gaddis. Gothique charpentier.

24.4.08

C'est jeudi !


C'est un café un peu secret qui me donne toujours envie d'y passer quelques heures seule ou (très bien) accompagnée. Je m'imagine facilement m'y installer et écrire ma carte postale du jeudi à Madame Gâ avant de la poster ici.

23.4.08

Du matin au soir

A 8H, le café est presque désert. La musique des Doors envahit l'espace jusqu'au plafond haut de trois mètres.
Par la fenêtre, le soleil chatouille les rues d'Omotesando.
Je bois mon lait chaud en rêvant.
La journée est toute entière à faire.

Dix heures après...
Fait-il nuit ? De toute façon, il n'y a pas de fenêtre pour le savoir dans le café bruyant.
C'est Shinjuku le soir et il faut s'écouter pour s'entendre.
L'enseigne est la même, le mobilier est identique. Les serveurs habillés pareil.
Mais, vraiment, le goût de la mousse du lait de soja est différent.

22.4.08

Tuesday self portrait (recto...)


Le verso est ici.

21.4.08

Seto Naikai

Elle s'appelle la mer intérieure. 

20.4.08

Dimanche matin à Tarumi

Le dimanche matin, j'aime être dehors quand les autres dorment. 


Au bout de la rue, il y a la mer, aussi verte que le ciel est bleu et il y a des bateaux dessus. Et la radio s'échappe d'une fenêtre ouverte. 
Hiro dit : "c'est la rue Shôwa". 
Nous sommes tous de Shôwa (sauf Anzu, à qui cette ère-là paraîtra être le Moyen-âge) mais la rue date tout de même d'avant nous. 

Moi, je suis dans ce quartier comme parfois en Belgique : c'est un peu triste mais c'est beau. Et être là m'apaise le coeur comme si j'y avais passé mon enfance. 
Je sais que ce goudron, ces réverbères d'un autre temps qui surplombent les boutiques closes et le renoncement sont, à cet instant, en train de s'ancrer au plus profond. 
Je sais qu'un jour, bien plus tard, peut-être bien ailleurs, un détail ou une lumière me feront me dire : "c'est comme à Tarumi !" sans que je puisse l'expliquer à autrui. Parce que, en plus de ces minutes solitaires d'un dimanche matin, il y aura, inclus dans la réminiscence, le marché d'Akashi, la quête du mochi, les nuages blancs de Kobe, le nabe au tonyu, la chanson d'Anzu et mes amis précieux grâce auxquels tous les rêves paraissent accessibles. 

A la fin de ma pellicule, je suis rentrée. 
Au lieu des croissants, je rapportais une moisson d'instantanés. 


Et, comme la veille, c'était l'heure du petit déjeuner. 

19.4.08

Samedi matin à Tarumi

La couette est épaisse et pour deux personnes et pratique à emballer dans la housse.
Un voisin marche, à l'étage supérieur puis descend l'escalier.
Le jour entre abondamment dans la pièce. Un peu de gris, un peu de soleil.
Une portière claque sur le parking.
La vaisselle est entrechoquée dans l'évier. La veille, j'avais dit que j'allais la laver. J'entrouve la porte, lui dis qu'elle aurait pu la laisser. Mais c'est pour la forme : en vrai, je suis bien contente de rester encore blottie dans le lit et d'ouvrir mon livre.
Quand je me lève, ils sont tous les trois dans le salon et il est temps de petit déjeuner. Ce repas qu'on aime quand il dure des heures.
Et il dure des heures.
C'est un samedi matin à Tarumi, ça pourrait durer toute la vie.

18.4.08

Fonds de tiroirs

Ces derniers temps, il y a eu :


 
un animal en cavale,
la fin des fleurs, le début des feuilles tendres, 
des selfs à Omotesando,

des repas bons pour la santé (et un avant-goût de Kobe)

des calins qui donnent de l'inspiration,
des litres de thé, 
des manifestants à Ikebukuro,

des repas bons pour la santé (et jolis à regarder),
des ruelles à Okubo à la belle heure (et, jeudi, la bonne nouvelle : oui, je continuerai à venir dans ce quartier),
 
des litres de thé, 
des animaux apprivoisés (en projet : refaire la photo avec ma soeur, cet été, pour une nouvelle affiche du film de Beinex !)

Et puis... 
Et puis la montagne sous la pluie, des dangos au sésame noir sous le soleil, la voix de Rodolphe Burger ("je veux maintenant perdre en tenant ta main mon temps, je veux prenant ta main maintenant perdre mon temps avec toi"), des danseurs puis, plus tard, un verre de vin, un carambar en guise de "merci" (la langue du carambar est universelle), la voix de Jeanne Balibar ("regarder dans ma longue vue le relief de ma longue vie, mettre en joue et tirer à vue sur ce dont je n'ai plus envie"), des litres de thé, quelques heures pour faire connaissance et découvrir la théorie des carrés plongeants, une erreur tellement classique : "-tu as changé de lunettes ? -non, j'ai rasé ma barbe !", des gâteaux à l'okara... 
Et un billet de shinkansen. Parce qu'ici, si on ne se décrète pas en vacances de temps en temps, on peut ne l'être jamais.

17.4.08

C'est jeudi !


Madame Gâ est en villégiature et moi, je prends le train demain. Mais je ne pars pas sans lui envoyer une carte ici.

16.4.08

A man, a woman, a love

Partout du mouvement, y compris dans les clichés les plus immobiles. 
Noir fusain. Blanc lait. Pas de concession. Pas de gris. 
Des lignes, qu'elles soient plantées dans la terre ou sillons dessinés par les corps.
Dans le bois, les veines donnent la vie. Ailleurs la neige, ailleurs le rire. Et la maladie. 
Les champs griffés, labourés, des stries comme par temps de pluie et ça pourrait être par les roues des fauteuils des infirmes.
Presque des charniers pour lesquels le miracle est désormais impossible. Même à Lourdes Même ailleurs. Pourtant l'espoir dans certains regards vus du ciel. Comme des morts qui s'ignorent.  

Un homme, une femme. Ils s'aiment dans le printemps. L'amour n'est-il pas toujours originel ?

Mardi. Au musée de la photographie. Quelques mots en vrac. Avant de retrouver le soleil. Au-dehors. 



Mario Giacomelli Exhibition

Venue: Tokyo Metropolitan Museum of Photography
Schedule: From 2008-03-15 To 2008-05-06
Address: Yebisu Garden Place, 1-13-3 Mita, Meguro-ku, 153-0062 Tokyo
Phone: 03-3280-0099 Fax: 03-3280-0033

15.4.08

Tuesday self portrait


Ils s'appelaient Pascal Dieu et Christophe Brillaud. Flegmatiques et plus intéressés par le rugby et les filles que par leur classe de 5ème. Jean et baskets étaient leur uniforme. Et cette manie de marcher les pieds tournés vers l'intérieur que moi, plus jeune qu'eux et en quête d'un style, j'imitais. 
Les Japonaises ne jouent pas au rugby mais ont le même genre de démarche. 
Quant à moi, il m'arrive de constater, quand je suis assise, que la pointe de mes pieds a tendance à se rapprocher. 
C'est notre seul point commun, à Pascal Dieu, Christophe Brillaud, aux Japonaises et moi. 
Parce qu'ici, dans les rayons de chaussures pour femmes, j'ai l'impression de jouer dans Cendrillon sans avoir le rôle principal.

14.4.08

Bols

C'était un jour après la pluie et je m'étais installée au comptoir. 

Après le bruit des conversations, seule la musique était restée et, comme souvent, c'était du jazz.
L'horloge avait sonné mais je ne comptais pas les heures. Nous étions trois à lire et ça aurait pu ne pas avoir de fin -si ce n'est celle du livre.
Je tournais le dos à la nuit, à la vie. C'était un moment dense. 
Avant de partir, j'ai choisi un bol, sur l'étagère. Blanc bleuté. J'aime le chemin que trace mon doigt lorsqu'il en fait le tour, sur le bord. En pensée, je l'appelle "le bol parfait" car, en plus du lait chaud, il est plein du moment particulier que son achat a immortalisé. 

Ce n'est pas rare que des bols recèlent des instants précieux de ma vie. 

Celui-ci est idéalement dodu et, au goût du soja, de celui du sésame noir et de la banane, il mêle le souvenir du café éphémère et de ma rencontre avec Anne qui l'a créé. 
(Si vous cliquez ici , vous pouvez voir ses recettes très inspirées...)

13.4.08

Loin (et pourtant proche)

Je n'ai pas été surprise quand il m'a dit qu'il ne lisait pas ces pages avant de vivre à Tokyo. 
Il les avait pourtant vues, les boîtes aux lettres du jeudi, les photos des heures lentes et celles des arbres dans les ruelles...

Mais alors ??? Où était la ville ? L'ambiance survoltée ? Et ces néons qui ne s'éteignent jamais ?


Pas ici, en effet. 
Ma vie à l'envers n'attire pas les lecteurs. 
Je vis loin des foules et des requêtes google. 

"Personne ne parle jamais du manque de sérieux des Japonais, de leur légereté, de leur sentimentalité, de leur insouciance, de leur nonchalance, en un mot : de leur gentillesse et de la douceur de vivre qui règne dans une cité comme Tokyo.
Je ne connais personne en France pour qui Tokyo ne soit synonyme d'enfer. Les gens vous diront : la pollution, les masques posés sur le nez et la bouche, les embouteillages, les trains et les métros bondés, les employés chargés de pousser les voyageurs dans les wagons pour permettre la fermeture automatique des portes. Et encore : la pègre contrôlant la ville, le crime et la prostitution, la foule lobotomisée, la fourmilière des grandes compagnies, la servitude volontaire du travail salarié, l'esclavage consumériste, la misère grossissant dans les coulisses de la société-spectacle. Tout cela existe sans doute mais je ne connais aucun voyageur de bonne foi qui l'ait vu.
En revanche, essayez de dire : le luxe d'une société policée, l'éducation généralisée, la curiosité à l'égard du monde. Ou encore : le bonheur vrai de se retrouver libre à marcher la nuit dans les quartiers de Shinjuku et de Shibuya. Ils ne se trouvera personne pour vous croire où que vous viviez dans la pauvre petite province française."
Philippe Forest. Sarinagara

12.4.08

Rumble fish

Je n'avais pas 14 ans.

Plus que les muscles de Matt Dillon, c'est le sourire rêveur de Mickey Rourke qui m'a marquée.
Et, en sortant, j'avais envie de voir, moi aussi, la vie en noir et blanc.

Petit hommage en forme d'instantanés au film de Coppola qui, au-delà de mon adolescence, a éduqué mon regard, autrement.

 

11.4.08

Les filles naissent dans les roses


Evidemment, si j'étais un garçon, je mangerais des repas bleus ! 

9.4.08

C'est jeudi !


Quand j'écris à Madame Gâ, je ne lui camoufle rien. Et c'est à lire ici.

La colère


Hier, j'ai demandé à E. s'il pensait que j'étais colérique.

Qu'il hésite avant de me répondre non m'a mise en rage !!!!!

8.4.08

Tuesday self portrait (l'orgueil)


C'est même un plénoasme, tous les mardis...

7.4.08

La gourmandise

A quatre heures, le soleil se voile et j'enfile un pull. Quatre heures et tout est encore possible. Rentrer, rester, aller ailleurs.
Certains jours, je n'hésite pas.
L'eau teintée de vert dans la théière. Le parfum du bâton d'encens qui se consumme. La voix de Syd Matters.

Et un mochi au goût des fleurs sous lesquelles j'ai passé l'après-midi.

6.4.08

L'envie

Les derniers jours ont été emplis de fleurs.

De passage le long des rivières, immobile dans l'herbe des parcs, seule ou très amicalement accompagnée.
Des premiers bourgeons aux pétales qui s'éparpillent comme flocons et que je retrouve, le soir, dans mes cheveux.
Du matin au soir, dans la ville traversée, tant d'arbres penchés vers l'eau ou tendant leurs branches vers le ciel.
Des vieilles personnes sur les ponts, qui s'arrêtent et contemplent comme s'ils vivaient là leur première saison des sakuras.
Des enfants qui courent après les fleurs.
Et dans les rues, marcher sous les arbres, c'était marcher sous un ciel de poésie pure.
Et l'esprit de fête des lampions.
Chaque jour, une raison de m'exclamer ou de sentir mon coeur sauter dans ma poitrine.
La saison des sakuras me rend amoureuse. Amoureuse de ce pays qui la célèbre. Amoureuse de l'air ambiant.

Il m'a dit que la terrasse faisait la superficie de l'appartement, que c'était bien pour les barbecues. J'ai dit : "vous avez de la chance."
Il m'a dit aussi qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de voir les sakuras. A part un ou deux sur le chemin pour aller travailler -trop de travail-
Il m'a dit qu'il irait au parc, l'après-midi, avec les enfants. Voir enfin les arbres, en profiter.
Et, en le quittant, j'ai, justement, tracé une diagonale à travers le parc. On ne voyait plus le sol qui était recouvert du bleu des bâches, des bandes joyeuses qui faisaient de la musique en attendant la livraison des bières, des enfants qui zigzaguaient entre les groupes pour poursuivre la balle qu'on leur avait envoyée.

Oui, on apercevait les arbres, un peu, à travers cette foule bigarrée, animée, gaie.
Et j'ai pensé : "je ne l'envie pas".

5.4.08

Dans l'herbe du Meiji

Le Japon est un pays où il arrive qu'un insecte se pose sur mon livre.
Parfois c'est une libellule.

Aujourd'hui, c'est un papillon. Son corps est bleu nuit, entouré par un duvet qui m'évoque des sourcils. Ses ailes sont noires bordées par une bande bleue sur le mode "tie and die". Il les ouvre et referme, régulièrement.
C'est le rythme d'un coeur qui palpite.


Et, aujourd'hui, le livre est L'origine de Thomas Bernhard.
"Cette musique n'était pour lui rien d'autre qu'un moyen tous les jours après le déjeuner, de s'isoler des autres pensionnaires et de tout le mécanisme de l'internat et de pouvoir se consacrer à lui-même, elle n'avait aucun rapport avec l'étude du violon, comme il eût été nécessaire, cette étude à laquelle on l'avait contraint mais qu'il abhorrait parce qu'au fond il n'en voulait pas. Cette heure d'exercices de violon dans la petite pièce aux chaussures presque complètement dans l'obscurité, où l'odeur de cuir et de transpiration des chaussures des pensionnaires étagées jusqu'au plafond, enfermée dans cette petite pièce, s'épaississait de plus en plus, cette heure était pour lui la seule possibilité de fuite."

4.4.08

La paresse

Les mouches, en volant, transformaient le jour en été. Les mouches et les guêpes.
Un peu plus loin, un sakura dispersait sa neige autour de lui. Et c'était l'hiver.
Le train rythmait le temps de ses passages que précédait la sonnerie du passage à niveau.
Mes bras nus chauffaient au soleil et je réfléchissais au parfum de la glace que j'allais manger.
Les yeux fermés, j'entendais les cris des enfants. Ils affleuraient à peine le bord de ma conscience.
En revanche, je sentais le sol vibrer à chacun de leur passage au galop.

Moi aussi, je courais ainsi.
A mes yeux également, les récréations étaient toujours trop brèves et j'en revenais encore essoufflée et les joues rouges et cuisantes.
Moi aussi, j'avais besoin de m'ébattre, de me dépenser. Au point de, plus tard, faire la course contre un chronomètre.

Allongée sur le drap de soie, j'ai essayé de me souvenir de la dernière fois où j'ai couru. Vraiment couru, pas seulement allonger mes foulées pour traverser avant que le feu passe au rouge.
Je ne sais plus. Je ne me souviens plus.
Il y a longtemps déjà que j'ai transformé les verbes : lire, dormir, rêver, paresser... en verbes d'action.

3.4.08

C'est jeudi !


Une boîte aux lettres, une bouilloire pour l'eau du thé... Tels sont les ingrédients indispensables à l'élaboration du courrier que, tous les jeudis, j'envoie ici à Madame Gâ.

2.4.08

La photo (I : De dos)

Il y a un an (presque jour pour jour mais ça, c'est un hasard ...Ou pas, d'ailleurs !), Géraldine et moi avons trouvé sur le trottoir toute la mémoire d'une maison promise à la démolition. Parmi nos découvertes : des photos. Depuis un an, je vis avec ces souvenirs de vacances que je n'ai pas vécues.
Aujourd'hui, peut-être inspirée par les feuilletons du Consul, j'entame une petite série autour d'un de ces panoramiques. A suivre...

J'aimerais savoir dire non.
J'aimerais avoir la désinvolture de Yuko. Son insouciance et sa classe.
J'aimerais parfois être une autre.
J'aimerais savoir ce que c'est d'être jolie ou d'être brillante ou d'avoir le sens de la répartie.
Mais ce serait trop difficile de, ensuite, redevenir aussi terne et ordinaire que je le suis. De retrouver ma vie aussi ennuyeuse -le train, le bureau, le bento à midi avec des filles tout aussi banales que moi- et trop pleine d'espoirs démesurés.
Je ne voulais pas venir.
Je n'aurais pas dû venir.
Et quand il a sorti son appareil photo, je me suis penchée vers le rivage, leur tournant le dos à tous. De manière à ne pas leur laisser mon visage en souvenir.

1.4.08

Tuesday self portrait (l'initiale)


"Qu'y a-t-il dans un nom ? Tous, nous nous le demandons, recopiant dans l'enfance ce nom dont on nous dit qu'il est le nôtre et dont nous cherchons alors à deviner quels présages contiennent la suite sonore de ses syllabes, le dessin des lettres qui le forment. On dit : un nom propre. Et l'on veut signifier ainsi, contre toute vraisemblance quand d'autres l'ont porté ou le porteront après nous, que notre nom n'appartient qu'à nous, et qu'il restera à nous, même quand l'âge aura fait changer jusqu'à la fome de notre corps, de notre visage et qu'enfin tout ayant été rendu au néant restera de nous cette seule inscription sur un registre de l'état civil ou la stèle d'un cimetière : un chiffre laissé pour rien parmi les signes."
Philippe Forest. Sarinagara

J'ai entendu à la radio cet extrait du dernier film de Jacques Doillon : Le premier venu.
Et la voix étranglée de Gérald Thomassin prononçant mon prénom m'a fait sursauter.
(Quant aux rues de Tokyo, elles sont parsemées de mon initiale.)