7.12.08

les balais de l'automne (6)

J'aime ça. Immergée dans les pages, je suis là où on me transporte.
En pleine campagne Suisse grâce à Ramuz, dans un pays en guerre dans Le grand cahier d'Agota Kristof, entre les couloirs de la fac et celui de l'appartement de la faiseuse d'ange, suivant les pas angoissés d'Annie Ernaux, dans une voiture dont les essuie-glace ne préservent pas des paysages boueux d'Olivier Adam.
Et quand je relève les yeux, le Japon me revient en bloc.
Il n'y a pas d'équivoque : le rouge des feuilles, les cuisses nues des filles en mini-jupes et bottes, les gobelets d'amazaké sur la table, les assiettes de curry ou les bols de ramen, les flancs d'une montagne à midi.
C'est comme être partie en voyage et rentrer chez moi.

"Il faut bien reconnaître que les graveurs japonais possédaient un savoir aujourd'hui oublié. Ils savaient qu'il n'existe peut-être pas de frontière aussi tranchée entre l'âme qui habite la boîte crânienne et l'esprit qui réside dans un arbre, dans les pétales de fleurs emportés par le courant turbulent du fleuve, dans la vue de la forme parfaite d'un mont couvert de neige et dans le retentissement particulier que suscitent l'arbre, le fleuve et la montagne dans le regard fugitif de l'observateur."
Jen Christian Grondahl. Bruits du coeur.

"Ce que je dois à Oe ? La révélation de la grandeur qu'il pouvait y avoir à ne pas se détourner de l'énigme insoutenable de sa vie. Cette vérité aussi : la douleur doit se faire douceur pour ne pas être abandonnée à la mort, à son cri silencieux.
Sans jamais renoncer à la lucidité de son intelligence critique, la vraie littérature doit questionner sans relâche, encore et encore, le lieu tendre de l'affection la plus vraie.
Ce que je dois à Tsushima ? La confirmation émouvante de ce que m'avait révélé l'oeuvre de Oe. La certitude qu'il n'y a jamais de point final au roman de sa vie, que celui-ci rayonne dans toutes les directions du temps, à la fois vers le passé le plus lointain et vers le plus incertain avenir. Cet encouragement aussi : ne jamais désespérer de ses rêves, les suivre en toute confiance jusqu'au point inouï où ils vous reconduisent vers le récit vrai de votre vie."
Philippe Forest. La beauté du contresens.

1 commentaire:

christinecho a dit…

ici tout est beau, les mots, les images. Je m'y nourris chaque jour.