31.12.09

C'est jeudi !


Autant de boîtes aux lettres que de mois dans l'année...
Mais pour notre correspondance, à Madame Gâ et moi, même en cette période de bilans et de rétrospectives, une seule adresse est valable : celle de la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

30.12.09

Les certitudes


Sans avoir besoin de consulter une voyante, je sais que la vie à venir continuera sans virées à Ikéa, sans pleins hebdomadaires à l'hypermarché, sans contre-visites au contrôle technique, sans devis d'un cuisiniste.

29.12.09

Tuesday self portrait (le choix de la couleur)


Mais, le plus souvent, c'est une pellicule noir&blanc que je finis par enclencher.

28.12.09

Sans titre

Ni file d'attente. 
Ni tarif réduit -famille nombreuse, carte vermeil, étudiant, enfant de moins de 12 ans- 
Ou prohibitif.
Ni catalogue en vente à la caisse. 
Ni notices biographiques des artistes. 
Pas de mention des techniques utilisées. 
Ni de l'année de réalisation.
Ni du nom du donateur. 
Ou du collectionneur. 
Pas d'articles dans la presse. 
Ni de bouche à oreilles. 
Pas d'hommes, 
de femmes, 
portant uniformes gris, 
beiges, 
ou bleus, 
assis, 
debout, 
surveillant. 
Ni de système d'alarme. 
Ou de vidéo surveillance. 
Ni extincteur. 
Ni appareil mesurant le degré d'humidité. 
Ni guide ni audiophones.
Pas de commentaires des visiteurs. 
Ni visiteurs. 
Ni horaires d'ouverture -y compris jours fériés, exceptés 1er janvier et 1er mai-
Pas de boutique. 
Ni toilettes -hommes, femmes-
Ni cafétéria.
Ni interdiction de fumer dans les lieux publics.
Ni cartes postales. 
Ni publicités sur les flancs des bus. 
Pas de mouvement de grève du personnel. 
Pas de gardien de nuit. 
Ni vestiaires. 
Ni photographies interdites. 

Les tableaux sont changeants. 
L' exposition est temporaire. 

27.12.09

Jours de gloire

Signe particulier : conçue en été, je suis née quinze jours avant le début de l'automne.

Certes, nous n'avons qu'une date de naissance.
Mais nous disposons de plus de trois cents autres jours pour l'auto-glorification.

26.12.09

Les rappels

Au chapitre des premières fois, je me souviens de celle où j'ai entendu chanter Vincent Delerm.

Avant de partir au Japon, lors d'un week end en Normandie, on était passés à la Pointe à l'heure du café. ça faisait un tas d'années que je n'étais pas entrée dans cette maison. J'avais l'impression que Guy et Nicole n'avaient pas changé mais ils ne pouvaient honnêtement pas en dire autant de moi : j'avais une dizaine d'années la dernière fois qu'ils m'avaient vue.
Le café n'était pas encore dans les tasses qu'ils se sont mis à raconter avec une grand jubilation la fois où, après plus de vingt heures passées sans bouger dans un avion -parce qu'à quatre ans j'aurais préféré mourir plutôt que d'adresser la parole au jeune homme inconnu qui m'accompagnait y compris pour lui demander d'aller aux toilettes- j'avais fait pipi dans ma culotte à Paris, quelques minutes après qu'ils m'avaient accueillie.
Je n'avais pas oublié cette histoire, me la rappeler n'était pas complètement indispensable.

La première fois, donc, où j'ai entendu chanter Vincent Delerm, c'était un soir d'été sur France Inter. Son père, Philippe, était invité dans une émission qui se prétendait littéraire. Et, au moment d'une "plage musicale", il avait dit à l'animatrice que son fils chantait, qu'il avait fait une maquette qu'il avait apportée juste au cas où et que si c'était possible de la passer, vraiment ce serait super.
Je me souviens très bien du ton avec lequel il avait demandé ça : ça se sentait, non seulement qu'il était archi fier mais aussi qu'il était parti sans dire à son fils qu'il emportait sa chanson et qu'il serait vraiment content de son coup si elle était diffusée à l'antenne.
L'animatrice avait râlé. Ce n'était pas prévu et elle n'avait pas du tout apprécié. Elle avait dit qu'à France Inter, il y avait une play liste, des programmateurs, qu'on ne faisait pas ce qu'on voulait comme ça et, tout de même, qu'il se rende compte : si tout le monde faisait pareil, ils ne s'en sortiraient plus.
A la fin, elle avait soupiré et avait dit que c'était bon pour cette fois mais qu'elle espérait que ça ne donnerait pas des idées à tout le monde.

C'était la première fois que j'ai entendu "Fanny Ardant et moi". Fredonnant la mélodie pendant encore un long moment, je m'étais dit que ça méritait bien qu'une maison de disques s'y intéresse.

Je me demande si, pour le Noël de l'animatrice, quelqu'un lui a offert le livre-dvd que vient de sortir Vincent Delerm, en racontant à tout le monde l'émission de cet été-là...

25.12.09

Le jour anniversaire du poisson


Car, m'a-t-il dit, c'est ce jour-là que tout a commencé.

24.12.09

C'est jeudi !


Je n'envie pas le Père Noël : dans sa boîte, il n'y a que des commandes ou des réclamations... Car qui pense à lui envoyer des remerciements ???
Alors que moi, tous les jeudis de l'année, je suis sûre de pouvoir lire un courrier de Madame Gâ quand j'ouvre la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

23.12.09

"Pour Christophe qui habite le 5ème de la part de Juliette qui habite le 1er"

Quand j'avais quatre ans, mes cheveux atteignaient le bas de mon dos et je chantais à tue-tête la publicité : "MV, MMM comme un maroquinier, VVV comme voyaaaage" lorsqu'elle passait à la radio.

A l'Opéra de Lille, gâteau au chocolat, tarte aux fruits... C'était un dimanche mais ce n'était pas par hasard que Kriss célébrait mes 34 ans en direct sur France Inter un jour de braderie.

Sur les routes de France, c'était mon adolescence qui filait autant que les kilomètres pendant que, sur la banquette arrière, je m'emplissais des voix de l'Oreille en coin et, souvent, j'aurais aimé qu'on n'arrive jamais.

Il suffisait d'écouter Radio 21 : entre deux morceaux d'électro, on apprenait qu'il y avait des files à Anderlecht et que les feuilles mortes rendaient les chaussées glissantes sur le ring. Alors, on se sentait un peu à l'étranger. On se disait que dans quelques années, on y serait.

J'étais avec Cat dans la salle, un jour de ma quinzième année et j'ai su que les films de ma vie ne seraient jamais des super productions à la bande son omni-présente.

22.12.09

Tuesday self portrait (la tête libre)


"Clyméné a plusieurs fois voyagé à l'étranger. Elle visita entre autres une ville où l'on mangeait sans arrêt des aliments séchés en sachets et des petits ciné-gâteaux. Les femmes chez qui elle logeait, en admiration devant la ligne très stylée de Clyméné, lui demandèrent si elle faisait partie des Mangeuses d'air. Ce sont des femmes qui ont décidé de ne plus mâcher et de n'avaler que de l'oxygène. La plupart d'entre elles sont suivies par un programme informatique facilitant le jeûne.
-Au contraire,
répondit Clyméné,
il faut manger chaque jour suffisamment, sans quoi le corps devient informe. Manger peu, c'est comme lire peu. Quand je lis trop peu, je n'ai plus la tête libre."
Yoko Tawada. Opium pour Ovide.

21.12.09

Les heures vacantes


Il y avait cette injustice.
Ils étaient tellement rares ces jours où la nouvelle se propageait, d'abord rumeur puis cri de joie.
Ces jours où on apprenait que le prof était absent.
Et on avait à peine le temps de se réjouir que l'heure ordinairement consacrée à la physique, à l'anglais, aux maths et si souvent à l'ennui...
Cette heure ordinairement longue et lente...
Cette heure était finie, avait filé.
A une vitesse inexplicable.
Et parfaitement scandaleuse.

20.12.09

... et un dimanche invariable


Le bleu est une couleur froide mais le soleil est assez chaud pour gagner le toit des habitudes, y manger un bol fumant de udons et y lire la moitié d'un livre pendant que les enfants se barbouillent le visage de glace au chocolat.

"Je m'avançai maladroitement pour la prendre dans mes bras, mais elle se recula avec brusquerie.
"Pour l'amour de Dieu, pas de chichis ! me lança-t-elle sèchement. Après tout, je suis juste en train de mourir."
La bouilloire s'arrêta automatiquement et l'eau, dedans, se calma en ronchonnant. Je m'émerveillai, pas pour la première fois, devant la suffisance cruelle des objets ordinaires. Mais non, ils n'étaient ni cruels ni suffisants, seulement indifférents, comment pourraient-ils être autrement ? A partir de maintenant, j'allais devoir prendre les objets tels qu'ils sont, et non tels que je pouvais les imaginer, car j'avais affaire à une nouvelle version de la réalité. Je sortis la théière et le thé qui s'entrechoquèrent.
La bouilloire en inox étincelait et la volute de vapeur émanant du bec verseur rappelait vaguement le génie et la lampe. Oh, accorde-moi un voeu, rien qu'un.
"Retire ton manteau, au moins", m'écriai-je.
Mais pourquoi au moins ? Quel drôle de truc, le langage humain."
John Banville. La mer.

19.12.09

Un samedi par la fenêtre

Je ne suis pas descendue, moi, à Ebisu.
Restée dans la Yamanote, j'ai différé la lecture du roman qui débute par l'évocation d'un passé dévasté.
J'ai gardé les yeux levés vers le ciel et ses nuages dodus et confortables, en rêvant de destinations plus lointaines aux wagons mieux chauffés, en regardant la lumière décliner et nimber toute chose d'un reflet doux et tendre.

Je suis rentrée plus tard, par Sugamo.

18.12.09

Great and dear Gatsby


Cette station service me fait invariablement penser à Gatsby le magnifique mais je serais bien incapable d'expliquer pourquoi.
Aujourd'hui, pour la première fois, le store était levé et je me suis demandée si le garagiste lisait les romans de Francis Scott Fitzgerald.

17.12.09

C'est jeudi !


Il m'arrive de recevoir des courriers dans lesquels je ne reconnais que les caractères de mon nom. Bien sûr, ce n'est pas le cas quand c'est Madame Gâ qui m'écrit.
Pour lire notre correspondance croisée et publique, n'hésitez pas à ouvrir la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

16.12.09

Tokyo, capitale des zeppelins



Les vacances de mon enfance étaient rurales et m'ont appris l'odeur des prés et des vaches ainsi que celle du lard frit, de la chicorée et des petits pains cuits le dimanche matin.
Les deux jours passés chez les Le Pennec avaient tout de l'exotisme : tribus d'amis ou de cousins se retrouvant tous les ans dans les villas en pierres grises, parties de ballon et cris éclaboussés...
J'avais regardé cet univers-là avec curiosité mais c'est à croire que, même petite, je n'étais pas envieuse car jamais je n'aurais voulu troquer mes séjours tranquilles à Vance contre l'agitation de la plage. Et puis les biscuits offerts par la vieille dame n'avaient rien à voir avec ceux de Mamy.
Par la suite, chaque fois que j'ai vu un avion publicitaire vrombir au-dessus d'une plage, j'ai toujours repensé à ce week-end en Bretagne car c'est là que, pour la première fois, j'en avais vu un.
Le ciel de Tokyo est très souvent traversé par des zeppelins. J'aime les regarder passer et je me souviens du club Mickey, des cornets de glace poisseux dans la main et des coups de soleil qui empêchaient Véronique de dormir.

15.12.09

14.12.09

Les journées gâchées

"Ki-itchiro se souvint du jour où lui-même, revenu de Chine, avait vu le mont Fuji. Jusqu'à ce jour-là, il ne s'y était jamais senti particulièrement attaché. Cette montagne avait des formes trop parfaites. Lui, il préférait le charme brut des sommets tels que ceux de la chaîne d'Hokada.
Mais le Fuji qu'il avait aperçu de la fenêtre du train le ramenant de Chine lui était apparu complètement différent. Beauté, majesté, qu'importe. C'était incontestablement la montagne du Japon. Dès lors, Ki-itchiro s'était pris d'amour pour cette montagne. Par temps couvert, lorsqu'il ne pouvait l'apercevoir, il avait l'impression que quelque chose lui manquait, sa journée était gâchée."
Yasushi Inoue. Les dimanches de Monsieur Ushioda.

Pas gâchés les lundis sans le mont Fuji. Mais tellement, tellement moins beaux.

13.12.09

"comme votre rouge à mes lèvres"


Quand le nombre des messages approche le millier, la boîte aux lettres de mon téléphone rose sature.
Avant de la vider, je recopie les mots qu'il m'envoie dans un carnet.
Ses mots sous ma plume, une guirlande sans fin, un indéfectible lien.

12.12.09

Le jour de la dragonne

Parce que la boîte de l'appareil Kokak Ektra que je reçus dans les années 80 portait la mention "livré avec dragonne", je connais ce mot.
Le photographe l'ignorait.
Je le lui ai appris juste avant qu'il fasse mon portrait.

11.12.09

Choses vues


Quand je les croise, je pense toujours : les aveugles choisissent-ils les vêtements qu'ils portent ?
Savent-ils que leur pull préféré, si doux au toucher, a une couleur proche de celle d'un thé longtemps infusé, d'un gratin juste sorti du four ?
Et, dépassant la dame à la canne blanche : a-t-elle vu, un jour, un ciel du même bleu que ses cheveux ?

10.12.09

C'est jeudi !


C'est au Becker's que j'ai écrit à Madame Gâ.
Les plateaux sur les tables voisines, chargés de toasts au fromage fondu, de currys recouverts d'oeufs pochés, de frites, de croquettes et de boissons colorées m'ont ouvert l'appétit.
Alors, je suis rentrée chez moi, cuisiner un sandwich à ma convenance et poster mon courrier dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

(Rappel des épisodes précédents pour d'éventuels lecteurs de fraîche date : Madame Gâ et moi avons bu des litres et des litres de thé, marché pendant des kilomètres et des kilomètres, nous sommes retrouvées dans de nombreux, très nombreux cafés et y avons passé de longues, très longues heures à parler... pendant les deux ans qu'elle a passés à Tokyo. A présent que nous sommes séparées, nous nous écrivons tous les jeudis et nous postons dans cette boîte aux lettres notre courrier public...)

9.12.09

Kaori

A la fin de la journée, j'avais les yeux aussi douloureux et meurtris que si on m'avait jeté une poignée de sable au visage.
Certes, étant restée cinq heures au soleil, je les avais gardés plissés autant de temps.
Et j'avais lu 250 pages aussi.
Mais, surtout, ces heures à ciel ouvert -à la terrasse du troisième et au bord de la rivière- je les avais passées à une centaine de mètres de voies rapides et suspendues.

A la fin de la journée, dans le train du retour, j'ai pris le carnet que ma voisine me tendait.
En y écrivant : TERRE, HERMES, je me suis souvenue du jour où j'avais appris comment dire parfum en japonais.
Ça m'a soulagée de savoir que les gens, autour de moi, respiraient encore la fragrance du matin.
Car j'avais l'impression de ne plus exhaler que le monoxyde de carbone.

8.12.09

Tuesday self portrait (la pluie et le beau temps)


Je n'ai pas encore les bottes assorties à mon bonnet de pluie.

7.12.09

La palette nostalgique

Les couleurs de la ville sont patinées, doucement usées, si souvent vaguement nostalgiques, surtout à l'heure du couchant.
Tokyo me donne parfois l'impression de regretter un passé que je n'ai pas encore connu.

"Mono no aware est l'esprit du aware (émotion nostalgique) découvert dans les mono (choses, objets). C'est un "monde qui pourrait exister" (arukeki sekai) aperçu dans les objets tels qu'ils sont. On pourrait dire aussi que c'est le monde de sentiments nés de l'harmonie existante entre l'esprit et la forme des choses.
Etymologiquement aware ne signifie pas tristesse mais plutôt le mouvement qui pousse à dire : "oh", aussi bien en des moments de douleur qu'en des moments de joie. C'est un sentiment que l'on éprouvera aussi bien dans l'allégresse d'une matinée de printemps que dans la tristesse d'une soirée d'automne. Si j'avais à le définir, je dirais qu'il se compose surtout de la tranquillité d'un sentiment tendre et nostalgique. C'est à partir de cette acception qu'il est aussi devenu sentiment de tristesse."
Jacques Roubaud. Mono no aware (le sentiment des choses).

6.12.09

Avant demain


Le dimanche est un jour idéal pour se laisser colorer par le soleil en mangeant des udons et en parlant de liberté.
Il y a eu des projets de photos, une résolution pour tous les Noël de la vie, une carte d'anniversaire, une glace au chocolat et des crayons de toutes les couleurs qui passent d'un sac à l'autre.
Le dimanche est un jour idéal pour oublier que tout recommence le lendemain, un jour idéal pour ne penser à rien.

5.12.09

Je me souviens de Georges Perec


Il y a 53 sachets dans les paquets de oolong que j'achète pour les matins ordinaires, pour les théières inaugurales de mon quotidien.
Entamer un de ces paquets me fait me sentir immortelle pour les 53 jours à venir. Au moins.
Avoir hésité sans raison quelques secondes avant de traverser et avoir ainsi évité fortuitement une collision de plein fouet avec un vélo lancé à toute allure m'a persuadée, hier, de continuer à croire à cette stupide superstition.
Malgré Georges Perec.

4.12.09

Life on Mars

J'ai attendu que les arbres perdent leurs feuilles avant de faire tirer les pellicules du temps des fleurs.

Ça pourrait être la planète Mars mais en avril.

3.12.09

C'est jeudi !


C'est peut-être parce que Madame Gâ m'a envoyée me pâmer devant ces sublimes carnets de croquis la semaine dernière, que m'est revenu le souvenir que je lui raconte dans le courrier que j'ai glissé dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

2.12.09

"La vie et une tasse de café vide comme témoin de tout ce qui compte vraiment"


Sur l'herbe du Meiji, le drap était du même bleu que le ciel et quand Plinio a arraché la page droite de son cahier pour me la donner, j'ai vu, sur la gauche, deux mots superposés :

Ecrire
Sortir

C'est seulement chez moi, à la nuit tombée, que j'ai lu ce courrier, daté deux fois à deux ans d'intervalle du 28 novembre.
Une lettre précieuse et douce qui dure longtemps, qui enjambe les ans et parle d'avenir, qui ressemble à tous les moments que nous passons ensemble.
Et quand on se dit à bientôt sur un quai, ce mot nous rapproche.
A bientôt, c'est presque à demain.

1.12.09

Tuesday self portrait (le voyage immobile)


Les fauteuils du café du grand magasin ressemblent à ceux des compartiments des anciens trains corail.
En guise de paysage changeant : le va et vient des escalators.

30.11.09

Jeu sans obligation d'achat


Le dernier numéro de Love Camera donne des conseils pour réussir les natures mortes. Prendre la photo à travers du scotch pour créer une impression de flou et d'autres exemples qui ne donnent pas envie de les suivre.

Il y a une photo, cependant, qui me plaît.

L'image est carrée mais donne l'impression d'être verticale. Elle est composée majoritairement d'un mur de couleur crème qui sert de fond.
Le tiers inférieur est occupé par une table en bois couverte aux trois quarts par une nappe de dentelle délicate sur le bord droit de laquelle sont posés (à gauche) un pot au lait en verre, à l'anse et au couvercle métallique et (à droite) une tasse en porcelaine ivoire, basse et trapue posée sur une soucoupe, contre deux petits sablés ronds et pâles aux bords cannellés.

L'oeil, après s'être posé sur la composition, après s'être attardé sur les biscuits qui ont l'air très doux au toucher, sur le reflet de la porcelaine qui rappelle la matière du lait, après avoir perçu l'ambiance un peu rétro qui se dégage de l'ensemble, une ambiance apaisante et propice à la concentration, qui donne envie de s'attabler, de croquer dans un sablé sans se soucier des miettes en lisant Nathalie Sarraute... l'oeil, donc, remonte vers le bord supérieur de la photo où pourrait presque passer inaperçue une affiche fixée au mur. En effet, celle-ci occupe à peine 3 cm de l'image et sa couleur est semblable à celle du fond.
Il est possible que l'affiche comporte une photo mais on n'en voit que le bas qui, lui, n'est qu'un texte en caractères très petits.
En rapprochant le magazine de ses yeux, on peut néanmoins le lire.

Dans ce magazine japonais, le seul texte que je suis en mesure de comprendre est celui de l'affiche de cette nature morte :

"(1) Service de personnalisation de téléphone mobile après votre achat dans ses couleurs d'origine. Personnaliser peut entraîner la perte de garantie du constructeur. PhoneAndiPhone assure la garantie le cas échéant. (2) Prix à partir de, valable pour l'achat d'un iPhone 3G 8Go et la souscription simultanée d'un abonnement téléphonique du 01/01/08 au 30/11/08 voir conditions sur phoneandiphone.com. Egalement disponible sans abonnement (3) Recevez cette offre en envoyant PP et votre email au 8128 (1,50 € l'envoi + coût du SMS selon l'opérateur) et gagnez votre iPhone. Jeu sans obligation d'achat. voir modalités sur phoneandiphone.com. Conformément à la loi Informatique et Liberté du 06 janvier 1978, les personnes ayant fourni des informations personnelles ont un droit de regard total sur celles-ci. Vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent."

29.11.09

28.11.09

Les goûters de l'automne

Je laisse les autres savoir où ils vont et pédaler avec détermination.
Et je descends au terminus, je marche par hasard et alterne belles trouvailles et rues sans âme.
Je laisse les autres rêver devant les gâteaux mous et blancs de Noël.
Et je mords dans le mochi aux haricots qui ont la couleur des marrons et la saveur de l'automne.

27.11.09

"Loup- reçu ce matin ta lettre"


"Enfin mon chéri, il y a un mois de passé il ne te reste plus que 11 morceaux à manger du gâteau, sur lesquels 1 ou 2 tranches se consommeront en congés.
J'ai pensé à un procédé pour t'abréger le temps. Prends 11 tablettes de chocolat que tu aimes beaucoup, dis-toi que tu ne veux en manger une que le dernier jour de chaque mois -tu seras tout étonné de les voir filer -et l'exil avec. Je crois que je divague et que je dis une ineptie qui n'aurait d'avantage que d'augmenter ta dyspepsie.
Au revoir mon cher petit. Porte-toi bien et sois vainqueur d'un combat dont ton bonheur et le nôtre sera le prix.
Je t'aime tendrement.
J.P."

Correspondance avec sa mère 1887-1905. Marcel Proust
300 yens, en passant.

26.11.09

C'est jeudi !


C'est le jeudi que j'écris à Madame Gâ mais tous les autres jours, et même la nuit, vous pouvez lire nos courriers échangés dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

25.11.09

Le goût de la pluie

Bien sûr que tout le monde aime écouter la pluie tomber, blotti dans les draps, quand elle est la promesse d'une journée au ralenti, où les théières se succèdent, où les lectures se partagent, où les cheveux se laissent ébouriffer par des mains tendres.
Mais quand cette musique accompagne la sonnerie du réveil et signifie d'avoir les pieds mouillés jusqu'au soir, le nez qui coule et le parapluie qui s'égoutte au milieu de la foule de la Yamanote... Il perd de son charme.
L'idéal, n'est-ce pas d'écouter le bruit de la pluie un jour où il fait beau ?

En voyant le kanji 雨 sur la cassette que la jeune fille timide du film s'apprête à introduire dans le magnétophone, j'ai regretté ne pas avoir eu seule une idée aussi jolie.
(Fine, totally fine (zenzen daijobu) donne aussi envie de manger des saucisses de poisson et de s'accompagner au ukulele pour inventer des chansons sur le bon goût du riz... Entre autres.)

24.11.09

Tuesday self portrait (tiens-toi droite)


J'enclos dans ce bijou de rien reçu avec surprise, tous les instants de fierté, tous les succès mérités, tous les éloges non usurpés.
Ainsi, chaque jour, je me souviens de tout ce qui me fait me tenir droite.
La dignité comme un colifichet, en somme...

23.11.09

No blues last night


Le verbe connaître est d'une totale imprécision puisqu'on peut l'utiliser aussi bien pour parler de quelqu'un à qui on a à peine serré la main que d'une personne qu'on côtoie depuis l'enfance.
Que faut-il savoir des gens avant de se sentir autorisé à dire qu'on les connaît bien ???
L'une des premières choses que j'ai apprises de l'homme que j'aime, c'est qu'il ne redoute pas les lundis matins.

22.11.09

L'heure anglaise (12)

Alors que je ne sais pas encore de quoi sera faite la journée, je plonge ma cuiller dans la mousse à la banane et j'ouvre le journal de Virginia Woolf.
Le temps peut attendre, encore un peu. L'heure est anglaise et, surtout, immobile.

"Nous sommes tous deux épuisés et les visages humains ne nous laissent plus une impression bien nette. Nous n'en devons pas moins aller dîner chez Osbert Sitwell ce soir, et rendre visite à Thomas Hardy demain. C'est cela la vie des humains, cette matière infiniment précieuse qui nous est distribuée dans l'instant en rouleaux étroits, pour nous être ensuite retirée à jamais; et nous la passons ainsi. Les journées où l'on ne ressent rien de bien défini sont les pires de toutes. Les journées où l'on s'oblige à entreprendre ceci ou cela pour quelque raison. Mais quelle raison ?
Il n'y a rien d'important à signaler pour le moment; ou bien (car mon état d'esprit est prodigieusement important) j'attends d'être à Rodmell pour le noter. Là-bas aussi je m 'attaquerai à la dernière partie de ce python, mon livre; c'est un vrai combat et je me demande de temps en temps pourquoi je m'expose à cela. Rose Macaulay dit : "A quoi d'autre pourrait-on employer ses pensées ?" Je ne l'ai pas revue, Gwen non plus et n'ai pas écrit à Violet Dickinson ni appris le français ni terminé Clarissa."

Virginia Woolf. Journal intégral. Jeudi 22 juillet 1926.

21.11.09

La nudité des fruits

Assise au soleil sur les marches, je regardais les garçons qui grattaient quelques accords et chantonnaient en riant, la petite fille qui, ayant perdu de vue ses parents, se figea et fondit en pleurs, la vieille dame qui berçait le nourrisson, les amoureux qui partageaient une barquette de frites et la mère qui grignotait le hamburger que son fils avait abandonné pour aller courir après les pigeons.

Je connais cet endroit par coeur et elles sont immuables, ces scènes à l'heure du déjeuner le week end.
Mais, à toujours regarder le spectacle du vivant qui m'entoure, j'avais omis un élément du décor.

20.11.09

Le ciel bleu sans elle

Elle s'était levée avant moi et le thé fumait sur la table.
Mon dernier petit déjeuner français date de ce jour de février, il y a deux ans, face au jardin.
Ensuite, nous avions mis mes bagages dans le coffre et elle avait fait tous les détours possibles ainsi que deux fois le tour du rond-point des Invalides avant de me déposer à la station de RER.
Elle voulait que je profite jusqu'au dernier instant de la ville dont j'avais vécu éloignée pendant deux ans et que je ne reverrai pas avant au moins aussi longtemps.
Elle était aussi excitée que si elle avait peint elle-même le ciel en bleu, avait déposé l'angelot en haut de la tour de la Bastille, avait planté tous les arbres des bords de Seine... Afin de m'en offrir la surprise ce jour-là.
Sur le trottoir parisien, on s'était embrassées, émues de se quitter parce qu'en se disant à bientôt, on ne savait pas quand ce serait.

Kriss était une vraie généreuse, elle partageait autant ses enthousiasmes que ses amitiés, ses découvertes, ses bonnes adresses. Elle offrait sa voix à tous mais aussi à chacun.
Elle m'a rendue belle et forte et j'espère avoir réussi à lui donner, moi aussi, ce que j'avais.
J'aurais aimé, même à distance, unir mes forces aux siennes pour le combattre, son cancer.
Paris sera toujours magnifique et le ciel encore bleu. Je prendrai d'autres petits déjeuners, je continuerai à écouter la radio. Je vais continuer à vivre, aussi. Mais sans elle.
Je ne parviens pas à croire que ce sera aussi bien.

19.11.09

C'est jeudi !

"Je parlais avec des professeurs de collège. Ils discernaient, surtout chez les filles, une volonté batailleuse, un désir, mais inquiet, déjà miné. "J'aime rêver, écrivait une petite, je ne devrais pas, mais." Une autre avait intitulé un texte "Les femmes peuvent travailler comme les hommes." Mais souvent aussi on trouvait un savoir fermé, total, désespéré. "Mon père travaille chez Renault, il ne pourra jamais écrire un livre".
Parfois j'entendais des phrases impossibles. Des adolescents jetés ensemble dans le même sac de leur future spécialité, ils étaient dans un lycée agricole, par un professeur pourtant bienveillant : celui-ci appelait sa classe du matin "les viandes", et sa classe d'après-midi "les produits laitiers".
Leslie Kaplan. Le psychanalyste.

Vous vous connectez ici depuis votre boulot ?! Alors n'hésitez pas à profiter de votre pause café pour lire la correspondance que nous échangeons, Madame Gâ et moi dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

18.11.09

Tokyo, du matin au soir


A force de fréquenter les terrasses, j'avais presque oublié que mon balcon aussi est bien orienté et qu'il n'y a qu'au moment où le soleil est masqué par le haut du poteau électrique que j'ai besoin d'enfiler des manches.
En fin d'après-midi, j'ai enroulé de la laine rouge autour de mon cou et j'ai dévalé en roule libre la pente de Gokokuji en évitant de penser au moment où j'allais devoir la remonter.

Alors que le jour devenait nuit, la petite fille aux cheveux courts m'a dit : "Je ne suis pas un chaton, je suis une licorne".