24.4.09

Là je suis... (7)

A nos rendez-vous, il était toujours en retard. Parfois de près d'une heure.
Mais je ne parvenais pas à lui en vouloir.
Le lieu de l'attente était ensoleillé, confortable, et France Musique y diffusait un concert.
J'y étais seule et, moins naïve, j'aurais pu m'illusionner sur son exclusivité.

Je plaisantai, un jour, à propos de la montre qu'il aurait fallu lui offrir.
Tout en comprenant l'allusion, il m'assura pourtant que le clocher voisin qu'il voyait par sa fenêtre lui suffisait bien.

A nos rendez-vous, il parlait plus que moi.
Il me chargea de lui rappeler la St Valentin car s'il l'avait oubliée, sa femme l'aurait très mal pris.
Il me parlait de sa fille qui, à coup sûr, aurait adoré les bijoux que je portais.
Il me disait ses envies de tout plaquer, ses envies de tour du monde et je savais que ses mots n'étaient pas vains.

Ses mains étaient habiles et douces.
Il prenait soin de moi.
J'aimais sa bouche, j'aimais ses yeux, penchés sur moi.

A nos rendez-vous, je me rendais toutes les semaines. C'était un jour de fête dans mon agenda.
Mais je n'étais pas dupe : tout cela aurait une fin.
Et, en effet, il m'annonça un jour que, la semaine suivante, nous nous verrions pour la dernière fois.

C'est cette fois-là qu'il m'avoua ce dont il préférait éviter de parler pour qu'on ne se moque pas de lui : il lui arrivait parfois d'avoir des intuitions. Des intuitions aussi intenses que des prédictions.
Et toutes, bien que peu nombreuses, s'étaient réalisées.

Comme il n'a "vu" que ma célébrité et pas la manière d'y accéder, la prédiction de mon dentiste n'est pas lourde à porter.
Au contraire, tout reste à inventer.
Et je peux parfaitement croire qu'un jour, mon nom sera une référence dans la bouche de mes pairs, qu'un jour je serai, par exemple, la célèbre :

Là je suis : quand j'ai dit à Mme Gâ que j'aimerais faire, un jour, un métier qui me permettrait de lui commander des cartes de visite, elle m'a prise au mot et m'a envoyé quelques propositions ... qui sont devenues, pour moi, une source d'inspiration !
Vous pouvez lire la série ICI
Pauvre Sophie Calle qui a dû, elle, se contenter de l'imagination de Paul Auster !!!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Vous imagine innée bien la vie madame.