8.5.09

Là je suis... (9) (La golden week en caravane 5 : Pompéi)

Plus tard, devant nos tasses brûlantes, sous la lumière douce de l'abat-jour à franges, nous avons ouvert les albums chinés le matin même sur les pavés humides et froids.
Il n'était pas à l'aise, il le disait, il disait son malaise. Ces photos abandonnées comme autant de familles dispersées, autant de fins de lignées, là, dans les cartons du marché.
Moi, je tournais les pages et j'ai découvert Jef et Yvonne, la vie en caravane dans les années 60, les cartes postales, les sandales à la montagne, le Martini et le réveil de voyage, sur la table.
Regarde, je lui ai dit, regarde...

"POMPEI
Foro-Veduta generale
Vue generale du Forum
Generale view of the Forum
General Ansicht des Forum

20.8.1966

Tout va bien, baisers.
Jef. Yvonne"

J'ai dit regarde, je peux l'imaginer Yvonne, en mai 1966, se contorsionnant dans la cabine d'essayage pour tenter de voir si la robe rose ne lui fait pas de trop grosses fesses. Et la vendeuse qui lui assure que non, pas du tout, que ce modèle est parfait, aussi bien pour rentrer de la plage que pour aller faire quelques courses en ville.
Je peux l'imaginer, Yvonne, le soir à l'appartement, retirer la robe du papier de soie et la mettre devant elle, se regarder dans le miroir de la chambre et penser à Pompéi, au camping en Italie, à son bronzage, aux vacances.
Je peux l'imaginer aussi, le papier peint fleuri du 128 de la rue des Ailes où arrivent toutes les cartes postales de l'été. Les retrouvailles le premier dimanche de septembre, la bouteille de chianti, les spécialités doucement sucrées qu'on déballe au moment du café, les photos de vacances qui circulent et l'oncle Marcel qui propose de trinquer à la vie en caravane.

Je lui ai dit que j'étais riche de cela.
Que dans le garde-meuble français aussi s'empilaient quelques boîtes à chaussures toutes emplies de mariages, de vacances au ski, de parties de campagne. Des vies en noir & blanc sépia ou aux couleurs excessives. Autant de vies dont aucune n'est la mienne.
Autant de vies à imaginer.

Alors, plus tard encore, il a ri.
Et, pendant que la lumière déclinait au dehors, il a pris les photos comme des cartes, lui aussi est entré dans le jeu et il a dit regarde.
Et j'ai ri -merveilleusement- avec lui.
Et j'ai pensé : là, je ne suis pas seulement :

Là je suis : quand j'ai dit à Mme Gâ que j'aimerais faire, un jour, un métier qui me permettrait de lui commander des cartes de visite, elle m'a prise au mot et m'a envoyé quelques propositions ... qui sont devenues, pour moi, une source d'inspiration !
Vous pouvez lire la série ICI
Pauvre Sophie Calle qui a dû, elle, se contenter de l'imagination de Paul Auster !!!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tellement même
très
chineuse en caisse de bois.