30.9.09

Ma ville sans moi

La Yamanote a ralenti entre Shin Okubo et Shinjuku. Et, par la fenêtre, je regardais les couleurs primaires des enseignes et les cohortes de costumes gris dans les rues.
A ce moment-là dans mes oreilles, l'architecte Patrick Bouchain évoquait des paysages français en traversant un matin de Saône et Loire.
Alors que c'était Tokyo qui défilait sous mes yeux, je repensais à d'autres trajets, à la brume qui présidait le lever des jours à mi-chemin entre Tours et Dreux.
Quand aller travailler signifiait déjà partir en voyage.

Au retour la nuit est tombée et, malgré la grande douceur de l'air, je me souviens que les jours vont encore rétrécir.
A nouveau dans la Yamanote, les lumières des néons brillent à travers mon reflet dans la vitre.
Quand la ville me fait fantôme, je sais qu'elle me survivra toujours, qu'elle restera identique, bien au-delà de moi.

29.9.09

Tuesday self portrait (alien)


Je scrute les photos et je n'y décèle aucun trait commun.
Si j'étais de la police ou du service des douanes, je refuserais d'admettre qu'il s'agit de la même personne.
4 ans après, je suis devenue étrangère à moi-même. Il est temps d'actualiser ma carte d'alien.

28.9.09

Entrée(s)

"Je suis un éphémère et point trop mécontent citoyen d'une métropole crue moderne parce que tout goût connu a été éludé dans les ameublements et l'extérieur des maisons aussi bien que dans le plan de la ville. Ici vous ne signaleriez les traces d'aucun monument de superstition."
Rimbaud. Les Illuminations.


27.9.09

Range ta chambre ! (Mai 2006)

Il y a les dimanches de pique-nique ou de terrasse. Les dimanches d'Ikebukuro, les dimanches de rendez-vous.
Et puis il y a les autres. Ceux que je passe en moi-même, ceux que je vis en autarcie.
Et où, entre deux tasses de thé, je range, je trie...

"J'avais creusé un trou dans la terre, comme pour la chasse au canard. Une véritable maison, poêle à bois, couchettes superposées, lampe à pétrole, couverture écossaise, sandwiches au thon, oeufs durs, etc. Des livres bien rangés sur une étagère et, s'ils sont trop gros, des résumés recopiés.
Un homme raconte son enfance et à un moment donné, à cause d'un banal gâteau trempé dans du thé, retrouve tous ses souvenirs en intégral, pas ceux concentrés en une seule phrase que l'on fait défiler juste avant de mourir, mais les choses en temps réel. On se retrouve donc devant quelqu'un qui raconte très lentement qu'il raconte ses souvenirs très vite. Et inversement.
Un homme se retrouve un matin transformé en hanneton ou en lièvre géant. Toute sa famille est affolée, mais continue à la traiter en être pensant, celui-ci ne sort plus de sa chambre, la situation se dégrade, etc.
Un homme décide de fuir son pays natal et fait naufrage. Très vite après avoir reconstruit des conditions minimales d'existence, ils se lance dans des projets de plus en plus gratuits jusqu'à devenir un saint qui s'ignore.
Je lis mes résumés. la température est stable comme à l'intérieur d'un éléphant endormi."
Olivier Cadiot. Le colonel des zouaves.

26.9.09

Que sont les cockers devenus ?

J'ai fait remarquer à Madame Ga que la race des cockers avait dû être éradiquée puisque, du jour où ils n'avaient plus été à la mode, ils avaient complètement disparu et avaient été remplacés par les caniches abricot. Elle m'a suggéré qu'il s'agissait peut-être des mêmes chiens manipulés génétiquement dans des laboratoires.
Son hypothèse me parait tout à fait plausible.
On arrive avec son cocker, on ressort avec son caniche et on n'est jamais has been... C'est quand même bien pratique...

Je me demande, maintenant : est-ce qu'il s'est passé la même chose pour les mannequins pulpeuses des années 80 ???

Et en quoi a-t-on changé Anthony Delon ?

25.9.09

La voix des morts


Je sais que lire un roman de Patrick Modiano, c'est m'exposer à une certaine forme de mélancolie, visiter Paris sur le mode de la nostalgie.
Mais c'est visiter mon propre passé, également : toutes mes lectures se superposent car lire Modiano me donne l'impression de toujours être en train de le relire.
Cette impression est d'autant plus vive quand je croise une phrase que je jugerais avoir déjà vue ailleurs et qui me fait même douter, un instant, de découvrir pour la première fois ce livre-là.

"J'avais lu quelque part que l'on a du mal à se souvenir du timbre des voix de ceux qui ont disparu de votre vie. Eh bien non, j'entendais encore la voix rauque, un peu gouailleuse de Gérard : "Mais mon vieux, tu vas te ruiner la santé." Si proche, cette voix sous le soleil de onze heures du matin, que les vingt dernières années étaient d'un seul coup abolies."
Cette voix-là, issue du Vestiaire de l'enfance a fait aussitôt écho à celle-là.
Troublant.

24.9.09

C'est jeudi !


Chaque jeudi est l'occasion d'écrire à Madame Gâ et de lui raconter mes rêves ou d'autres aventures à peine plus réelles...
Chaque jeudi, vous pouvez, autant qu'elle, décacheter mon courrier dans la boîte aux lettres de Nos Jeudis.

23.9.09

Le jour de l'anniversaire des oeufs


Ça a commencé comme ça.
Par la suite, j'en ai fait un carnet.
J'ai aussi pensé à un projet.
Madame Gâ s'en est emparé.
Ici, par exemple.
.
Ou encore ici.
Aujourd'hui, ça fait un an.
J'ai décidé de ne pas m'arrêter.

22.9.09

Tuesday self portrait (à contre-temps)


Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre, ces désirs de légèreté, ces tris permanents, ces manies de rangements ?
Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre qu'une envie de printemps?

21.9.09

La saison des chatons

Le début de l'automne est le moment idéal pour recommencer à marcher dans les ruelles à l'heure boréale.

Ce matin, je n'ai pas eu l'impression de parcourir une grande distance pendant que le jeune homme à la foulée athlétique et rapide faisait le tour du botanique.
A son troisième passage, on s'est souris.

A peine cachés sous des buissons, il n'est pas rare d'apercevoir un nid de chatons. On les repère à leurs petits cris de jeunes poussins.

20.9.09

Mennono

Parce que je sais comment la place est arrivée entre mes mains (une violoniste de l'orchestre qui la proposait et moi : "pourquoi pas ?") et que j'ai arrêté de jouer de la musique en 1987, je peux dater au moins approximativement cette soirée-là.
Je me souviens de la salle minuscule du centre d'art contemporain d'Orléans et de l'affiche : la photo noir & blanc, un peu sépia, un peu tremblée, d'un homme en tutu de danseuse classique.
Mais, du premier spectacle de danse contemporaine que j'ai vu à 16 ans, je me souviens surtout de la foule d'émotions fortes, contradictoires et dérangeantes qu'il m'a procurées. De l'impression que j'ai eue de vivre quelque chose de la plus haute importance qui, aussi nécessairement que la lecture ou le goût du thé, allait désormais faire partie de ma vie.

Depuis, j'ai toujours vécu d'autant plus intensément ces spectacles vivants que je les savais éphémères, voués, dans un avenir plus ou moins proche, à mon oubli.

A présent, il y a internet et Youtube, palliatif de la mémoire.

Hier, quand Pal Frenak expliquait que chaque représentation de Mennono était d'autant plus unique qu'elle variait en fonction de la salle, de la musique, de la lumière et de l'inspiration improvisée du danseur, j'ai été très intriguée.
Mais maintenant je comprends.

Cette version est un peu ce que j'ai vu hier en même temps que tout autre chose et c'est tant mieux...
Je peux, ainsi, demeurer l'un des témoins d'un instant fragile et unique, de quelque chose de la plus haute importance.

19.9.09

Range ta chambre !* (Mars 2006)

Trois ans, c'est un bon délai pour avoir un regard objectif et trier mes archives personnelles.
L'absence totale d'intérêt de mes clichés a l'avantage de me permettre d'alléger la mémoire de mon disque dur.
De mars 2006, je me force à en retenir un.

(à suivre...)
(*Range ta chambre est aussi le titre d'une exposition d'Annette Messager à la galerie Marian Goodman jusqu'au 10 octobre.)

18.9.09

L'instant zen


Il faisait nuit et je me suis arrêtée de marcher, dans la ruelle à peine éclairée.
J'ai collé mon dos au mur du botanique comme je l'aurais fait contre l'écorce d'un des arbres que j'entendais respirer, de l'autre côté.
J'ai fermé les yeux.
Le chant des grillons était aussi assourdissant que celui des cigales en été.
Je l'ai laissé m'envahir.
Je n'étais plus que cela, que ce chant-là.
Libérée, soudain. Et légère.

17.9.09

C'est jeudi !


Un jour, j'ai raconté, dans une émission de radio à quel point ma vie de jeune écolière a été compliquée par la manière dont mes camarades de classe s'obstinaient à dessiner les maisons et leurs fenêtres...

Mais aujourd'hui, c'est jeudi et c'est ICI que je parle à Madame Gâ de la petite fille que j'étais...

16.9.09

Ce que dit l'horoscope

Pour vous, qu'est-ce que c'est, un jour de chance ???

Le début d'une fortune ramassée sous le sabot d'un cheval ?
Le regard approbateur du charmant voisin du 3ème sur votre nouvelle coiffure?
Un bouquet de fleurs tendu dans la rue par un inconnu ?
Un déjeuner au chinois du coin dont vous sortez sans que vos vêtements soient imprégnés d'une tenace odeur de friture ?
Une grille de loto enfin un peu gagnante après tant de temps de patience ?


Quant à moi, lorsque je peux me réjouir d'avoir été là au bon moment pour composer une image dont je ne me lasse pas, je me dis que c'était sans doute cela que me prédisait l'horoscope que je ne sais pas déchiffrer, sur l'écran de la Yamanote : un jour de chance.

(Jour de chance également quand on peut réentendre la voix mythique et précieuse de Claude Dominique)

15.9.09

Tuesday self portrait (un soulagement)


J'ai bégayé.
Pendant deux jours.
Ça va durer longtemps ? j'ai pensé.
Non.
Deux jours seulement.

14.9.09

Garder la chambre

"Apprendre le langage de l'existence que l'on a menée. Vivre sa vie pour elle, non pour soi.
On dirait que nous devons rendre à la vie ce qu'elle a fait pour nous : la créer, elle qui nous crée."
Joë Bousquet. Mystique.

Elle m'avait bien plu, la formule que le médecin avait écrite sur mon arrêt maladie qui me permettait, pour la première fois en un an, d'avoir deux jours de repos d'affilée.

Joë Bousquet, lui, garda la chambre depuis ses 21 ans jusqu'à sa mort, après avoir été blessé à la colonne vertébrale pendant la première guerre mondiale. Cela ne l'empêcha pas d'écrire, écrire abondamment et d'entretenir une correspondance nourrie avec ses amis et ses amoureuses qui venaient le visiter également.

Je ne suis pas sûre que, dans pareil cas, j'en ferais autant... Les jours où je reste chez moi... Je bois du thé mais quoi d'autre ?... Oui, parfois il m'arrive de lire Joë Bousquet.

13.9.09

Dimanche


C'est un week-end de matsuri à Otsuka.
Tambours, tambourins, flûtes aigües et cris d'enfants, temples promenés à bout de bras puis des bières, assis par terre.
Les bières brandies comme, juste auparavant, l'objet du culte.
Les rues de Tokyo ressemblent parfois à une fête de village.
Et, parmi ces sons si japonais, se faufile celui d'une cloche.
Même si je la sais factice et célébrant un mariage qui n'est pas, pour autant, catholique, elle me rappelle celles qui se balancent, le dimanche matin, en haut des églises, dans les villages de mon pays.

12.9.09

Le dernier jour

A peine plus d'une semaine et j'ai l'impression qu'il est déjà très ancien, mon dernier jour de travail.
Comme tous les autres jours, j'étais allée au café le matin.
Le contrat de mon collègue de bureau ayant pris fin avant le mien, c'est seule que j'avais bu mon thé au lait de soja.

Puis, j'étais allée travailler en repensant à cet été qui s'achevait, à ces lieux qui continueraient à vivre sans nous, à ces rituels qui avaient fait notre quotidien pendant plus d'un mois.
La terrasse et toujours tant de choses à nous dire. Les hommes de ménage qui, selon les jours, passaient l'aspirateur, la cireuse ou nettoyaient les vitres du toit. La conversation qui devait forcément faire allusion à Marc Lévy au moment où nous atteignions l'aire fumeur. Puis la table proche de la baie vitrée, le sourire du jeune homme à lunettes, les heures de travail, la collation et le distributeur des géants. A la fin de la journée, parfois quelques pages lues au soleil avant de rentrer, la tête encore colonisée par le sujet du jour...

Ce jour-là, le dernier, j'ai eu du mal à me concentrer et je ne suis pas restée aussi tard que certaines autres fois.
J'étais vaguement nostalgique, déjà, de ce mois d'août.
Alors, pour me soigner, je suis allée au musée de la photographie, visiter l'exposition de Koichi Inakoshi.
Je suis restée longtemps dans ce sous-sol obscur, assise sur une banquette après avoir fait le tour des salles, face à la période américaine.
La scène du parc, je ne la comprends toujours pas : un homme en costume, un journal sous le bras, à gauche de la photo, tient la veste de la femme qui, tout près de lui et de dos, remet sa chemise dans sa jupe. Pendant que, bien plus à droite, un homme plus jeune se rajuste, lui aussi, près de vêtements posés dans l'herbe.
Et la photo est sombre, à peine lisible, aussi sombre qu'à la fin d'un jour sans soleil.

Quand, enfin, je suis remontée à la surface, le ciel était gris comme un jour de rentrée et, sous influence, j'ai pris quelques photos noir & blanc.


Aujourd'hui aussi, le ciel était gris et il faisait froid dans le café au sous-sol de la gare de Shinjuku.
Mon collègue venait de visiter, à son tour, l'exposition.
Et, à nouveau, comme en plein été, nous avions tant à nous dire que nous n'avons pas tenté d'élucider le secret de la scène du parc.

11.9.09

It's friday I'm in love


Depuis le premier rendez-vous, chaque vendredi est un anniversaire.
Et même quand ils seront plus fréquents, ces jours ne seront jamais ordinaires.

10.9.09

C'est jeudi !


Il y a la vie que je vis et la vie que je voudrais vivre.
Et, souvent, ce sont les mêmes.
Madame Gâ le sait, elle qui, tous les jeudis, lit les courriers que je lui adresse ICI.

9.9.09

La préhistoire


Derrière le rideau de ses cils, Anzu classe, ordonne, fait le tri.
Elle ne gardera pas la balade sur le lac, les notes de piano du matin qu'on a en tête toute la journée, le voyage en téléphérique et la porte de la boulangerie ouverte par inadvertance.
Tous ces moments avant ses trois ans, on ne les vit pas pour rien, cependant.
Mon prénom ne sera qu'un graffiti minuscule et sans importance sur un montant de la bibliothèque de ses souvenirs.
Mais c'est déjà ça.

8.9.09

Tuesday self portrait (L'endroit choisi)


"Pourquoi prend-on de l'âge ? Pas pour fuir le quotidien et fermer la porte mais pour se rencontrer à nouveau. Pour choisir de se rencontrer. Pour aller de son plein gré vers l'endroit choisi."
Mitsuyo Kakuta. Celle de l'autre rive.

7.9.09

Trois jours merveilleux


Le premier mochi maison, le concert privé, l'émission de télé honteuse, la carte qui fait le tour du monde, les trois couchers de soleil, les secrets de famille, "aller vers le haut", les mails inattendus, les repas simples et bons, la chanson avec mon prénom, le cygne, l'Indien qui fait pleurer, la jalousie momentanée, opai, la vie qui change, l'interview, l'hypothèse du retour et du champagne, le vélo, les rêves étranges, le goûter sur le trottoir, les crises de manque, le périphérique, le café par hasard macrobiotique, le papillon sur le palier, l'accent du nord, les accidents domestiques, les métiers impossibles, la marche au soleil, les mains sales, le coup de téléphone excessif, les photos glamour, l'hospitalisation encore, le travail non rémunérateur, les chaussures cirées, le foulard à mes couleurs, les animaux qui endorment, les compliments, le bureau de Murakami, la conversation des sourds-muets, les phobies alimentaires, le repassage du dimanche matin, l'émission qui fait acheter du pain, les cartes à poster, le tee-shirt troué, le disque de Banana Républic, les ordres négatifs, les serveuses sous le charme, la peur de l'employée de la poste, la bibliothèque de l'estomac, les polaroïds, l'étranger édenté, la petite fille aux allumettes, la côte qui fait dérailler, le débroussaillage, la saloperie du petit déjeuner, l'Amérique du Sud,

6.9.09

Ma rentrée littéraire (7 : Un soir... de André Dhôtel )

"Sur le sable de la petite crique la mer s'était mise à bruire avec une confiance infinie."

"Il n'y avait pas une clientèle immense mais l'auberge était beaucoup plus fréquentée qu'on aurait pu croire.
Les anciens savaient que c'était mieux de planter un débit de boissons dans la solitude qu'au milieu d'un village à côté de l'épicerie. Les ménagères n'avaient pas l'occasion de contrôler ni donc de contrarier les entrées de leurs hommes au café. Et puis, sur ce bout de route, c'était comme un relais. Beaucoup de passants, à pied ou en voiture, ne pouvaient se garder de songer à un arrêt, même si leurs courses étaient d'une brièveté remarquable. Le fait de s'arrêter en chemin pour vider un verre donne l'inébranlable conviction d'être en voyage."


La France est rurale dans les nouvelles d'André Dhôtel.
Les attractions entre les êtres tiennent à un regard, un geste à peine esquissé mais sont irrésistibles et, parfois, fatales. Définitives dans tous les cas.
L'ordinaire ne l'est jamais complètement et, de cela je suis bien persuadée : il suffit de se rendre disponible et sensible à l'infiniment banal pour que quelque chose d'inattendu -même ténu- surgisse.

"Elle oublia l'infime événement, bien qu'elle ne cessât de veiller pendant une longue semaine à ces choses qui passent autour de nous d'une manière si furtive qu'on croit à peine qu'elles ont existé, le cri d'un enfant au lointain de la rue, un oiseau qui se pose, le geste d'un passant, un papier qui vole ou une lumière du ciel."

5.9.09

Ma rentrée littéraire (6 : Un nid pour quoi faire de Olivier Cadiot )

"Mais au fond, ce que j'aimerais faire, c'est de la poésie."

"Ce qui est terrible, c'est que si j'ai une idée elle est adoptée et appliquée immédiatement et à la lettre, ils sont plus royalistes que Moi, si je dis un jour Nous voulons du confit de canard quatre fois par jour, avec du beurre fondu, bon, eh bien c'est pour l'éternité, tout ce que je dis c'est pour l'éternité, si vous changez d'avis on vous dit en substance, sous les salamalecs : Majesté finissez votre confit, sinon vous l'aurez au petit déjeuner."

Il y a un nid, en effet. Auquel on trouvera, avant la fin du roman, un usage.
Il y a un royaume en déroute aussi.
Olivier Cadiot appartient, pour moi, au clan des écrivains précieux qui, à mi-chemin entre poésie et autres formes littéraires, associent esprit et sens de l'humour.
J'y inclus Emmanuelle Pireyre et Emmanuel Hocquard.

"J'ai des choses éparses, dans tous les coins, il faudrait qu'on rassemble tout ça, je suis sûr que ça fait un ensemble cohérent, j'ai de la bouillie dans la tête mais des sensations persistantes, je m'accroche.

Neige
toutes les formes de neige

Roi
toutes les formes de Roi
pourquoi, comment, etc.

Un nid"

4.9.09

Ma rentrée littéraire (5 : Les oeuvres complètes de Georges Hyvernaud)

"L'important n'est pas qu'il arrive quelque chose à quelqu'un, mais que quelqu'un fasse quelque chose de ce qui lui arrive."


"Mais il y a les soirs. La chambre où l'on se retrouve. Pas drôle de se retrouver. De revenir à soi comme à une chambre toujours la même. Les mêmes impuissances, les mêmes dégoûts, la même poussière toujours et la même moisissure. Dans la journée, passe encore. On parle, on s'embête, on fait son métier. Mais le soir on a sa vie devant soi et on est bien forcé d'y regarder.
C'est des choses comme ça qu'il écrit, les soirs dans sa chambre. Des choses qu'il écrit pour se délivrer par les mots des hantises qu'il reçoit du monde. Qu'il écrit gauchement et obstinément, pour tenter, par la poésie, de se créer. Car il ne se satisfait pas de lui-même. Onze heures, minuit, le moment de la grande sincérité, le moment de la fatigue et du retombement, du doute."

La peau et les os.

"Qu'on les colle seulement à un portillon de métro, les duchesses de Marcel Proust ou de Balzac, qu'on les mette à faire des trous dans des bouts de carton toute la journée pendant huit heures, et tous les jours, du lundi au samedi, et on verra bien ce qui en restera de leurs drames distingués. On n'aura plus à décrire que de la fatigue et des varices, des notes de gaz et des démarches à la mairie. Pas très romanesque tout ça. La vie manque de romanesque quand on est obligé de la gagner."
Le wagon à vaches.

Les oeuvres complètes de Georges Hyvernaud sont brèves.
De retour de captivité, il constate que ceux qui l'ont pensé planqué n'ont cessé, pendant ces années, de manger le ragoût dont lui a eu le temps d'oublier le goût...
Puis, boudé par la critique, il ne parvient pas à imposer ses textes et cesse d'écrire.
Quelle raison aurait-il eu de déborder de joie ?
Les oeuvres complètes de Georges Hyvernaud sont brèves.
Mais essentielles.

"C'est ainsi que je voyais ma vie. J'avais beau l'examiner, la retourner, la secouer, pas un détail qui valût d'être conté, rien de surprenant, rien de drôle, rien de tragique, rien du tout.
Comme dans la plupart des vies. Tout le monde ne peut pas se payer une existence originale. La vie est chère, comme nous nous le répétons les uns aux autres. Hors de prix. C'en est venu au point que bien des gens y renoncent parce qu'ils n'en ont pas pour leur argent, ou parce que la vie constitue une dépense au-dessus de leurs moyens.
Moi, au moins, je peux encore m'offrir ça. Mais pas le modèle de luxe, naturellement. Non, je dois me contenter du type courant. Standard comme on dit. Une vie fabriquée en série, comme les aspirateurs, les appartements, les pardessus, les autos."

Lettre anonyme, nouvelles et autres inédits.

3.9.09

C'est jeudi ! (Ma rentrée littéraire 4 : Le rideau de Milan Kundera)

"La poétique de Flaubert ne déconsidère pas celle de Balzac de même que la découverte du Pôle Nord ne rend pas caduque celle de l'Amérique"

"En 1920, monsieur Engelbert était encore étonné par le bruit des "monstres à explosion"; les générations suivantes l'ont trouvé naturel. Après l'avoir horrifié, rendu malade, le bruit, peu à peu, a remodelé l'homme, par son omniprésence et sa permanence, il a fini par lui inculquer le besoin de bruit et avec cela un tout autre rapport à la nature, au repos, à la joie, à la beauté, à la musique (qui, devenue un fond sonore ininterrompu a perdu son caractère d'art) et même à la parole (qui n'occupe plus, comme jadis la place privilégiée dans ce monde des sons)".

Dans Le rideau, Milan Kundera, n'évoque pas seulement le bruit.
Comme dans la lettre que je poste ICI à Madame Gâ, je ne fais pas allusion exclusivement aux tartes de Mamy.

2.9.09

Ma rentrée littéraire (3 : Ecrire de Jean Guenot )

"Autrement, vous prendriez l'habitude de ne trouver l'inspiration que lorsque vous êtes au loin de la feuille blanche, sous la douche, au volant, en train de préparer un soufflé au fromage."

ça nous avait occupés quelques soirées à piquer des fous-rires à la lecture du livre d'Edouard Pomiane : La cuisine en 10 minutes.
Ce que j'en ai retenu c'est que, pour cuisiner rapidement un repas complet, l'auteur conseillait d'ouvrir une boîte de conserve pendant que l'eau du café chauffe...
Le livre de Jean Guenot est, lui aussi, plein de bon sens et de conseils pratiques...

"Dans l'idéal, le meilleur second métier est celui de rentier : il donne l'indépendance dont tous les écrivains rêvent, depuis Flaubert. On remarquera qu'il est plus facile d'être rentier que d'être Flaubert.
Médecin de cure, ça laisse quelques loisirs, 5 mois sur 12, l'air est pur, on a de la tranquillité, de la matière humaine à observer.
Cover-girl, mannequin, modèle ou prostituée, ça laisse l'esprit libre. A condition, comme en tout, de savoir limiter ses gains pour utiliser ses loisirs à écrire, on peut bâtir une oeuvre dans des métiers pareils. Une prostituée qui ferait trois clients deux jours par semaine gagnerait autant qu'un professeur. Les préparations en moins, pas de notes à reporter, pas de publications professionnelles à lire pour se tenir au courant; et du temps libre.
Quiconque écrit a une chance infime de pouvoir vivre matériellement de l'exercice de son plaisir. Autant faire un second métier qui garde des amertumes, qu'on exerce sans haine et qui offre la plus indispensable des garanties pour écrire : l'indépendance."

Jean Guenot. Ecrire.

1.9.09

Tuesday self portrait (Ma rentrée littéraire 2 : Correspondance de Mishima et Kawabata)

"J'ai longtemps pensé que pour réfléchir à l'essentiel, il fallait prendre le temps de vivre, car à travers cela s'élaborait la littérature."

"J'ai été surpris de voir à quel point les Américains que je rencontrais étaient sympathiques, mais ce n'est pas tout à fait la même chose d'être sympathique et d'avoir de la personnalité, et pour ce qui est de celle-ci, personne ne peut rivaliser avec les étrangers qui résident longtemps dans notre pays. Bref, le Japon donne de la "saveur" aux gens."
Mishima. Lettre à Kawabata. 13 février 1952